L`ATELIER DE TAPISSERIE, LE RESTAURANT ET LA

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L`ATELIER DE TAPISSERIE, LE RESTAURANT ET LA
L'ATELIER
DE TAPISSERIE,
LE RESTAURANT
ET LA DIRECTRICE,
ANA ASLAN,
DE L'INSTITUT
D'OTOPENI
On ne sait pas
comment le remède
agit mais les
résultats sont là
Mais que contient donc la « substancemiracle » du professeur Aslan ? Une molécule connue depuis près de soixante-dix ans :
le chlorhydrate de paraaminobenzoïdiéthylaminoéthanol, découvert en 1905 par le
chercheur allemand Einhorn. Appelée
novocaïne, elle est connue dans la pharmacopée internationale sous le nom de procaïne. Outre son action anesthésique et
analgésique, il a été prouvé que la procame exerce
exerce une action anti-inflammatoire
(Spiess) et anti-histaminique (Daniélopolu
et Simionesco). Le Français Paul Leriche
a, pour sa part, démontré qu'elle est vasodilatatrice et a soutenu qu'elle exerce un
rôle équilibrateur sur le système neurovégétatif. Elle est aussi légèrement euphorisante et exercerait une influence favorable sur la mémoire et l'attention. Seule
contre-indication majeure : l'association
avec les sulfamides, dont elle annule les
effets et les cas d'allergies, fréquents dans
la proportion de 1/3 800.
L'Office national du Tourisme roumain
vient de convier quatre journalistes français à ce qu'on pourrait appeler une opération-vérité sur le Gérovital et ses effets
dans la thérapeutique du vieillissement.
La bonne forme des anciens asilaires qu'on
nous a présentés nous a impressionnée —
et aussi la franchise avec laquelle les médecins ont, disons, joué le jeu. Sans
crainte de reconnaître ce que les médecins
anglo-saxons considèrent comme une faiblesse irrémédiablement condamnable
l'absence de tests en double-bliml dans
l'expérimentation — de deux groupes
homogènes, l'un est traité au produit
cependant que l'autre reçoit un placebo.
« Mme Aslan s'est toujours farouchement
opposée à cette méthode si moderne », dit
le Dr Alexandre Ciuca, un gérontologue
de réputation internationale. « Marque de
respect pour les sujets, qui ont le droit de
savoir si on leur injecte un remède ou de
l'eau distillée », dit le Dr Cornel David.
magne fédérale et la France. Bénéfice .
quinze millions de dollars, peu. Mais il
se trouve que la Food and Drugs Administration, qui a la responsabilité d'autoriser
les médicaments aux Etats-Unis, a confié
l'expérimentation du Gérovital au professeur Zung. Ce médecin, d'origine chinoise,
vient de rendre un premier verdict : le
Gérovital est non toxique — c'est une
étape importante. Il reste maintenant à en
prouver l'efficacité : si les recherches y
conduisent, une bienfaisante pluie de dollars va déferler sur la Roumanie.
Sans attendre ce jour-là, le tourisme
français se met à l'heure du Gérovital.
Une agence parisienne propose, •cette année, pour 2 660 F à 4 110 F, un voyageséjour « tout compris », même le check-up.
Si, à Otopeni, il faut réserver sept mois
à l'avance, on peut suivre la cure à Eforie-Nord et à Mangalia, sur la mer Noire,
dans les villas-cliniques installées au bord
du lac de Snagov, près de Bucarest, ou
encore aux eaux d'Herculane, du côté des
Portes de Fer du défilé du Danube --la station date de l'époque romaine —, à
celles de Félix, à la frontière nord-ouest
— où le climat est si doux que le lotus
sauvage y pousse —, ou encore de Calimanesti dans les Carpates méridionales
grâce à Ana Aslan et à une infrastructure
hôtelière impressionnante, le tourisme roumain relance ses stations thermales.
Une querelle de dix ans
Alexandre Ciuca, 53 ans, exerce à l'institut de gériatrie de Bucarest la fonction
de sous-directeur et de directeur du département de gérontologie sociale, où il travaille avec une équipe de quarante chercheurs. Il est expert à l'Organisation mondiale de la Santé, il appartient à la plupart
de toutes les sociétés •de gérontologie du
monde, il est membre fondateur du Centre
international de Gérontologie sociale. Avant
de travailler auprès d'Ana Aslan, il était
responsable de la santé de tous ses compatriotes. Pas de quoi s'étonner, donc, lorsqu'il déclare qu'en médecine il n'a qu'une
préoccupation : « La politique médicale.
Le fait que n'importe qui puisse se soigner
avec un médicament dans la poche est une
chose : mais ce qui m'intéresse, moi, c'est
l'assistance médicale de masse. »
Sa collaboration avec Ana Aslan a
commencé « dans une grande querelle et
qui a duré dix ans ». Cette femme, ce
brillant médecin qui avait le culot de prétendre ralentir le vieillissement, allons
donc ! Son Gérovital ou la poudre de
perlimpimpin... Ciuca réagissait comme, à
l'époque, la plupart de ses confrères roumains. Seulement voilà : Ana Aslan a du
caractère, c'est le moins qu'on puisse dire.
« Et à force de l'entendre me répéter
e Tu es un sceptique, je te donne un médicament et tu ne l'essaies même pas ! »,
j'ai fini par me laisser convaincre. Et
comme je lui reprochais de n'avoir jamais
travaillé qu'avec une équipe de médecins,
j'ai voulu tenter une expérience avec
d'autres. » En 1969, dans cent quarante-
.
quatre « centres gérontologiques » installés dans des dispensaires d'usine — « là
oit le travail est si dur, si terrible pour
la biologie humaine » —, vingt mille per-
sonnes ont été mises en observation, dont la
moitié furent traitées au Gérovital, l'autre
servant de gréupe témoin. L'expérience a
duré quatre ans. « Ses conclusions ont été
si positives que le ministère de la Santé les
a reconnues comme valables et qu'en 1973
35 000 personnes de treize départements
ont reçu, dans un dispensaire d'entreprise,
du Gérovital à titre préventif — à partir
de quarante ans — ou curatif. Cette. année;
une « mission de santé » pour la prévention du vieillissement concerne les 'quarante-neuf départements du pays : l'affaire
est devenue un problème national, comme
la vaccination. .»
t( Nous trouverons mieux »
Comme le docteur Ciuca, les quatre
cents médecins qui ont prêté leur concours
à l'expérience ont changé d'opinion. « Je
ne pourrais pas affirmer que le Gérovital
agit sur le processus biologique du mal
et encore moins dire comment mais je
reconnais que ses résultats sont exceptionnels sur la symptomatologie. » Régulateur
de la tension artérielle et de l'équilibre
hormonal, le Gérovital aurait, disent les
médecins roumains, une influence bénéfique — ou tout se passe comme si — sur
les arthroses, les rhumatismes, l'artériosclérose, l'asthme bronchique. Il aiderait à la
consolidation des fractures et à la récupération fonctionnelle — et même à la
repousse des cheveux. « Miracle? Non —
et rnême, peut-être, un jour, trouveronsnous mieux. Mais, aujourd'hui, nous
n'avons pas à notre disposition un médicament qui donne autant de résultats dans
le dotnaine de la pathologie générale. »
Bon nombre de médecins s'accordent à dire
que le futur appartient à cette sorte de
médication. D'autant qu'en améliorant
l'état général des gens, en leur redonnant
« la joie de vivre », ceux-ci produisent plus.
Ainsi les Roumains se sont-ils aperçus que
l'absentéisme pour maladie avait, chez les
ouvriers procaïnisés, diminué de 40 %
après un an de traitement...
Un placebo agirait-il pareillement ?
Tant que la Food and Drugs Administration ne se sera pas prononcée, la discussion est ouverte. Il reste que, depuis plus
de deux décennies, une Roumaine de 77
ans se bat pour renverser l'attitude de
tout le monde, médecins ou patients,
devant le vieillissement. Les rhumatismes.
le cholestérol, l'artériosclérose et toutes ces
plaies, on n'y peut rien : c'est l'âge ! —
On a toujours entendu ça. « Au contraire,
Ana Aslan a une attitude positive », dit
d'elle son ancien adversaire. C'est vrai et
elle a même un peu mieux. Elle a une
attitude, pardonnez les grands mots, révolutionnaire.
KATIA D. KAUPP
Le Nouvel Observateur 47

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