D eliylege ç engece - Association des Revues Plurielles

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D eliylege ç engece - Association des Revues Plurielles
Extraits
ALINTI
Deliyle geçen gece
Nuit passée avec un fou
AZiZ NESÝN
IN
«
UN FOU SUR LE TOIT», LES ÉDITEURS FRANÇAIS RÉUNIS, 1969
TRADUIT DU TURC PAR
/
FRANSIZCASI: GEORGES DANIEL
VOIR HTTP://WWW.NESINVAKFI.ORG/
lllllllll
A
nlatacaðým bir hikâye deðil, bir
anýdýr. Baþýmdan geçtiði için yazýyorum. Þimdi, kendi halký tarafýndan
yurdundan koðulan eski Mýsýr Kralý Faruk var
ya… Bir sýra o çok azmýþtý. Erkek çocuk doðurmuyor diye karýsýný boþamýþtý. Bu bir, ikincisi
de Ýran Þahý. Onun da, þimdi çocuk doðuramýyor diye boþadýðý ikinci karýsýyla evlenme
sýralarýydý. Bakýn þu iþe siz. Birisi, erkek çocuk
doðuramýyor diye karýsýný boþuyor. Öbürü o
sýýralarda Süreyya ile evlenecek de, onun hiç
çocuðu olmayacak.
Ben tuttum, karýsýný boþayan Mýsýr Kralý,
bir de, sonradan kýsýr olduðu anlaþýlacak
olan Süreyya ile evlenecek Þah Hazretleri için
küçük bir yazý yazdým.
Mýsýr Kralý ile Ýran Þahýý beni mahkemeye
verdiler. Ýnanýlmayacak gibi ama, olay gerçektir. Mahkemede evrak okundu. O zamanki
Mýsýr’ýn Ankara Elçisi ile, yine o zamanki Ýran’ýn
Ankara Elçisi, bir otomobile bizim Dýþiþleri
Bakanlýðýna geliyorlar. Benim yazýmý gösterip,
bu yazýnýn « iki memleket arasýndaki dostane
münasebetleri bozucu mahiyette olduðunu »
söylüyorlar. Böylece benim aleyhimde dâva
açýlýyor.
Hiç aklýma gelir mi, bir Kralla, bir Þahýn
beni mahkemeye verecekleri. Ve hiç aklýma
gelir mi, o Kralýn günün birinde yurdundan
kovulacaðý…
Oysa ben o sýra, içerdeki olaylar, içerdeki
kiþiler için yazý yazamýyordum, ne yazsam
mahkemeye veriyorlardý da, dâvalardan kur-
C
e n’est pas une histoire imaginaire que je me propose de vous
raconter. C’est un souvenir. Je
l’évoque tel que je l’ai vécu. Vous avez
bien entendu parler de Farouk, l’ancien roi
d’Egypte, chassé de son pays par son propre
peuple… A cette époque-là, il exagérait. Il
avait chassé sa femme parce que celle-ci
n’était pas capable d’accoucher d’un garçon.
Un autre énergumène, c’était le chah d’Iran.
A cette époque, il s’apprêtait à épouser la
femme qu’il vient de chasser pour raison de
stérilité. Il y avait matière à méditation. L’un
divorçait d’avec sa femme parce qu’elle ne
lui donnait pas de garçon, l’autre, dans les
mêmes jours, épousait Soraya en ignorant
qu’ils n’auraient pas d’enfants.
J’eus l’idée d’écrire un court article sur
le roi d’Egypte et le chah d’Iran.
Ceux-ci intentèrent un procès contre moi.
C’est invraisemblable mais vrai. Au tribunal,
on révéla les faits. L’ambassadeur d’Egypte
et celui d’Iran étaient venus dans notre
ministère des Affaires Etrangères. Ils avaient
brandi mon article en prétendant que ce
texte pouvait perturber les rapports amicaux
entre leurs pays et le nôtre.
Aurais-je jamais imaginé qu’un roi et
qu’un chah vont déclencher un procès contre
moi et aurais-je prévu que ce roi un jour allait
être chassé de son pays ?
Pour dire toute la vérité, à cette époque-là,
j’avais écrit sur des étrangers, parce que
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tulmak için dýþardakileri yazmýþtým.
Mahkemeye girdik. Bir Krala, bir de Þaha
hakaret etmiþtim. Etmedim. Ettin. Etmedim.
Ettin. Bir pazarlýk... Sonunda altý aya mahkûm
oldum.
Ýþte anlatacaðým olay bu mahkûmiyetim
sýrasýnda baþýmdan geçti. Durun ama, lâf
arasýna birþey daha sýkýþtýrayým. Doðrusu,
o zamandan beri, Kral Faruk’u kovan Mýsýrlýlarýn, onun yüzünden benim hapis yattýðýmý
bilip bilmediklerini çok merak ederim. Mýsýr’da
bile Kral Faruk yüzünden hapse giren yazar
yokken, ben sanki ne diye burda onun yüzünden hapse girdim.
Girdim ama, çok kötü girdim. Cepte metelik nanay, dön þýnanay þýnanay… Gelen yok,
giden yok, arayan yok, soran yok… Hapisane aðzýyla buna « Yirmiye yoðurt ! » derler.
Benim de öyle : Yirmiye yoðurt… Hapisane
gibi yerde, altý ay için sýzlanmak da olmaz.
Eloðlunun sýrtýnda yirmi yýlý, otuz yýlý var.
Adamý ayýplarlar.
- Altý ay mý? Yataða girip, saðýndan soluna
dönene kadar altý ay geçer.
Öyledir, bikez mapus koðuþuna girdin
mi, saðýndan soluna aðýr aðýr, yavaaþ yavaþ
döneceksin. Sen bir yan deðistiresiye, bir
mevsim deðiþecek. Saðýna yatacaksýn yaz,
bir de sola döneceksin, kýþ olmuþ. Baþka
türlü, o dört duvar arasýnda dört mevsim
geçer mi ?
Ýyi ma cigara parasý yok, çay parasý yok.
Yok iþte, hiç biþeyin parasý yok. Hapishanede
kýzýlay aþý çýkar. Kýzýlay aþýna salla kaþýðý. Ya
dýþardakiler ? Dýþarda çoluk var, çocuk var.
Kendikendime,
Krallar, Þahlar senin neyine, a düdük?..
diyorum ama ne desem boþ. O sýra bir
haber geldi: Af dilersem cýkabilirmiþim. Size
biþey söyliyeyim mi, bir Kraldan af dilemek
de insanýn aðýrýna gidiyor. Af dileyip, yiðitliði
Krala býrakacaðýmýza, yatalým, çekelim de,
yiðitlik olsun bize kalsýn, dedik. Baþka biþeyimiz kalmadý, yiðitliðimiz kalsýn.
Gelgelelim yiðitliðin para etmediði bir
zamandayýz. Yazý yazayým da tanýdýk gazetelere, dergilere göndereyim, dedim. Bu kez
de yazýlarý dýþarý býrakmazlar.
- Býrakýn. Ben dýþarda olsam yazmýyacak
mýyým?
Býrakmazlar. Ben baþladým yazýlarý gizli
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chaque fois que j’écrivais quelque chose sur
les événements intérieurs, sur les personnes
de mon pays, on m’intentait des procès.
Le procès eut lieu. On m’accusa d’avoir
insulté un roi et un chah. Je soutins le contraire. On refusa mes arguments. Après un
long marchandage, je fus condamné à six
mois de prison.
L’événement que je vais vous relater a
eu lieu pendant cette détention. Je voudrais
tout de même ouvrir une petite parenthèse.
Depuis ce temps-là je suis curieux de savoir
si les Egyptiens qui ont chassé le roi Farouk
savent que je fus emprisonné à cause de leur
souverain. J’ai purgé une peine de prison en
Turquie tandis qu’en Egypte même, aucun
écrivain n’a été emprisonné à cause du roi
Farouk !
J’entrai donc en prison, mais dans des
conditions très mauvaises. Pas un sou en
poche, pas un visiteur. La vraie misère
! En plus, dans une prison on est très
mal vu, si on gémit pour six mois de
détention. Dans l’entourage, certains sont
condamnés à vingt ans, d’autres à trente.
Ils ne cachent pas leur mépris :
- Six mois ? Tu auras à peine le temps
de te coucher, de te tourner d’un côté
sur l’autre, et voilà six mois d’écoulés !
N’empêche que c’est vrai. Une fois dans une
cellule, il faut se tourner très lentement d’un
côté sur l’autre. Le temps de changer de
flanc, une saison doit s’écouler. Tu t’allongeras sur ta droite pendant l’été, tu tourneras
sur ta gauche, tu apercevras l’hiver. Comment autrement, les journées passeraientelles entre ces quatre murs ?
D’accord ! Mais si on n’a pas un sou pour
s’acheter des cigarettes, pour demander une
tasse de thé ? Si on ne peut rien obtenir,
puisqu’on n’a pas de sous ? En prison la
nourriture est fournie par le Croissant Rouge.
Donc il y a de quoi manger. Mais ceux qui
sont dehors ? La famille, les enfants…
Je me demande de temps en temps :
« Espèce d’abruti, qu’est-ce qui t’a pris de
t’occuper des rois et des chahs. » Méditation
vaine ! Puis une nouvelle me parvint. On me
faisait savoir que je pouvais recouvrer ma
liberté à condition de présenter mes excuses. Vous savez, c’est très humiliant de s’excuser auprès d’un roi. Au lieu de lui donner
ainsi une occasion de manifester de la gran-
gizli dýþarý kaçýrmaya.
Yazýlar her ne kadar imzasýz yayýnlanýyorsa da, benim yazdýðýmý anlayýp huylanýyorlar.
Olay Sultanahmet Cezaevinde geçiyor.
Bir gece, Cezaevi Müdürü odasýna çaðýrdý.
Ýyi de bir adam. Bir kýzý, bir oðlu varmýþ.
Biri üniversitede, bir lisede okurmuþ. Ben,
dýþarý yazý kaçýrdýðým için, Müdürü bana göz
yumuyor sanýrlarmýþ. Sonra kýzarlar, onu bir
taþra cezaevine müdür yaparlarmýþ. Çocuklarýnýn öðrenimi yarýda kalýrmýþ...
Müdür,
- Çocuklarýma acýyýn! Diyordu.
Hey Tanrým, Müdürün çocuklarýna mý
acýyayým, kendi çocuklarýma mý? Hadi ben
Müdürün çocuklarýna acýdým diyelim, benim
çocuklarýma kim acýyacak?
Yazý kaçýrýrsam, Müdürün çocuklarý güme
gidecek, kaçýrmazsam, benim çocuklarým
güme gidecek.
Gecenin bu vakti, müdürün odasýnda ikimiziz. O bana,
- Çocuklarýma acý! diye yalvarýyor, ben
ona,
- Çocuklarýma acý! diye yalvarýyorum.
Ýkimizin de dediði bir ama, anlaþamýyoruz.
Doðrusunu söyliyeyim mi, benim çocuklar baskýn geldi, ben müdürün çocuklarýna
acýyamadým. Bunun üzerine, yazý kaçýramýyayým diye, beni iyice sýkýþtýrmaya baþladýlar.
Ekmek parasý bu, sýký mýký dinler mi? Ben
yine yazý kaçýrýyorum. Hani insan “kaçýrýyorum” demeye de dili varmýyor. Kaçýrýyorum
dediklerim, bir macera romaný, bir kaç aþk
hikâyesi...
Beni sýkýyorlar, sýkýþtýrýyorlar, yine yazýlar
çýkýyor. Yazýlarý nasýl kaçýrýyorum diye merak
etmiþler.
Bigün cezaevinin infaz savcýsý gülümseyerek.
- Yazýlarýnýzý nasýl dýþarý çýkarýyorsunuz?
Çok merak ediyorum... dedi.
- Ben de biþeyi çok merak ediyorum,
dedim.
- Nedir?
- Bu hapishaneye eroin, afyon, býçak nasýl
giriyor?
O zaman da hapishanede esrarýn, eroinin
pazarý kuruluyor. Ayda bir-iki de içerde adama
vuruyorlar.
deur, je décidai de garder celle-ci pour moi
en purgeant ma peine. Puisque je ne possède rien d’autre, au moins garderai-je de la
grandeur.
Pourtant nous vivons un temps où la grandeur ne rapporte rien. Je décidai de rédiger
des articles et de les envoyer dans des journaux et revues dont les directeurs me connaissaient bien. Mais on m’interdit d’expédier mes textes.
- Mais laissez-moi faire ! Si j’étais dehors,
j’écrirais bien des articles. Rien à faire, ils
n’étaient pas d’accord. Je me suis donc
débrouillé pour faire sortir mes textes de
prison en cachette.
Bien que ces textes aient été publiés sans
signature, on se doutait tout de même qu’ils
étaient de moi, on me créait des histoires.
J’étais à la prison de Sultanahmet. Une nuit,
le directeur de celle-ci me convoqua dans
son bureau. Un homme gentil, père d’une
fille et d’un garçon. L’un étudiait à l’Université, l’autre dans un lycée. Il m’expliqua qu’il
risquait gros à cause de mes articles sortis
à la sauvette. On pouvait le muter dans
une prison de province. Les études de ses
enfants seraient interrompues.
- Ayez pitié de mes enfants, disait le directeur.
- Mon Dieu ! Dois-je plaindre d’abord
ses enfants ou les miens ? Admettons que
moi je plaigne les siens, qui plaindra mes
enfants ?
Si je continue à envoyer des textes, les
enfants du directeur seront perdus. Si je ne
le fais plus, ce seront les miens qui seront
perdus.
A cette heure tardive de la nuit, nous
étions seuls dans le bureau du directeur.
- Aie pitié de mes enfants, me suppliait-il.
- Aie pitié de mes enfants, le suppliai-je.
Nous disions la même chose, nous n’arrivions pas à nous mettre d’accord. Pour
dire la vérité, mes enfants firent pencher la
balance. Je ne pus avoir pitié de ceux du
directeur. Alors on me mit sous une surveillance beaucoup plus serrée pour empêcher l’expédition de mes œuvres. Mais quand
il s’agit de gagner son pain, quelle contrainte
arriverait à vous paralyser ! Je continuai à
envoyer des textes. Quand je dis « texte »,
j’en ai presque honte : un roman d’aventure,
quelques histoires d’amour.
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Onlar, yazýlarýn nasýl çýktýðýný merak ediyor,
ben de eroinin, afyonun, silâhlarýn nasýl girdiðini...
- Ýnsaf Beyefendi, dedim, þu adamlar
buraya eroin sokarlar da ben burdan yazý
çýkaramaz mýyým?
Güldüler. Güldüler ama, beni de odaya
kapadýlar. Ýçeri eroin sokanlarý bir odaya
kapayamazlar, onlar çok çünkü. Dýþarýya yazý
kaçýran bir benim. Bir kiþiyi de bir odaya
kapamak kolay.
Yalnýz ziyaret günleri, bir ziyaretlik zaman
dýþarý çýkarýp sonra yine odaya kapýyorlar.
Bana da ya ziyaretçi hiç gelmiyor, yada gelen
olursa eli boþ geliyor. Bir gün, iki gün, bir
ay... Deli olacaðým. Ýnsanýn kendikendisiyle
kalmasýný siz bilir misiniz ?
Hele benim gibi, geveze demiyelim, konuþkan olursa... Küçük odanýn içinde aþaðý
yukarý volta atýyorum. Koridora çýk, helâya
gir, geçmez saatler. Hay Allah... Para yok,
biþey yok. Þarký söylüyorum, þarký bitiyor.
Baðýrýyorum, baðýrma bitiyor. Ýçimden dua
ediyorum: Þuraya birisi gelse, canavar gelse,
Azrail gelse razýyým. Ýki lâf etse insan, yeter.
Akþamlarý gardiyan gelip bakýyor. Onu lâfa
tutmak istiyorum. O da yoklama yapacaðým
diye gelip, sonra kapýyý sürgüleyip, arkadan
kol demirini, zinciri, kilidi vurup gidiyor.
Bu odadaki yalnýzlýðým tam üç ay olmuþtu.
O gün de bir ziyaretçim gelmiþ. Nasýl olmuþsa
eli boþ deðil. Bir sürü þey getirmiþ. Cigara,
üzüm, kavun, zeytin, peynir, domates, reçel,
ooh!.. Hepsini karyolamýn altýna koydum. Bir
iyi de karnýmý doyurdum. Odanýn bir köþesi
manav dükkânýna dönmüþ. Bakýp bakýp keyifleniyorum. Bana bunlar bir ay gider diyorum. Burasý hapisane, yavaþ yavaþ idare edeceksin.
Yiyecek geldi, bir de þuraya biri gelse de
arkadaþlýk etsek.
Gece yarýsý oldu. Hava da serince. Yataða
girmiþim, sýrtýmda battaniye, þiir yazýyorum.
Dýþarda bir gürültü oldu. Kapýnýn zinciri þýngýrdadý. Bu saatte dýþarda ses olmaz. Derken
kol demirinin kalktýðýný duydum, sürgü çekildi.
Demir kapý da gýcýrdayarak açýldý. Ben de
yerimden doðruldum. Bu saatte buraya kim
gelir? Koridora çýktým. Koridor karanlýk olduðundan içeri giren iki kiþiyi seçemedim. Ýki
gölge yaklaþýnca, arkadakinin gardiyan olduðunu anladým. Gardiyan,
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Malgré toute la surveillance, ceux-ci parvenaient à la presse. Les responsables mouraient de curiosité pour savoir comment j’y
arrivais. Un jour, un magistrat habitué aux
prisons me demanda en souriant :
- Comment réussissez-vous à sortir vos
textes ? J’en suis vraiment curieux.
- Moi aussi, je suis curieux d’une chose,
dis-je.
- De quoi ?
- Comment dans cette prison fait-on entrer
tous ces couteaux, et l’héroïne, et l’opium ?
A cette époque, c’est tout juste s’il n’y
avait pas un marché officiel d’héroïne et
d’opium au sein des prisons. Il ne se passait
pas un mois sans qu’on poignarde une ou
deux personnes dans les cellules.
- Pitié, Monsieur ! dis-je. Ces gens-là font
entrer l’héroïne. Je peux bien réussir à faire
sortir des textes. Ils ont ri. Ils ont ri, mais ils
m’ont enfermé dans une cellule disciplinaire.
Ils ne pouvaient pas faire de même avec
les trafiquants d’héroïne, parce que ceux-ci
étaient nombreux. J’étais le seul à pratiquer
le trafic des textes. Il était facile de prendre
une telle mesure contre moi.
Seulement les jours de visite, ils me laissaient sortir pour un moment et puis me
renfermaient à nouveau. D’ailleurs je n’eus
jamais de visiteur, et les rares personnes
qui venaient me voir, s’amenaient les mains
vides. Un jour, deux jours, un mois… de quoi
devenir fou ! Savez-vous ce que cela veut
dire de rester seul avec soi-même ? Surtout
quand, comme moi, « on aime la conversation », pour ne pas dire « quand on est
bavard » . Je faisais des allées et venues
dans tous les sens entre les murs de la
petite cellule. Je sortais dans le couloir, j’allais dans les toilettes. Les heures ne passaient pas. Mon Dieu… Pas un sou dans les
poches. Je me mettais à chanter une chanson Un peu après, celle-ci se terminait. Je
poussais un cri. Le cri se terminait. Je me
mettais à prier pour que quelqu’un entre,
même un monstre, même la Mort, juste pour
échanger quelques mots. Le soir, le gardien
venait jeter un coup d’œil. J’essayais d’engager la conversation avec lui. Rien à faire.
Il accomplissait sa ronde, poussait le verrou,
puis la chaîne, et tournait la clef.
Cela faisait trois mois que j’étais seul
dans cette cellule. Un beau jour, je reçus
- Burda kalacak! dedi, önündeki gölgeyi
ileri itti. Sonra dönüp gitti. Demir kapý kapandý,
sürgü çekildi, zincir takýldý. Yanýma bir can
yoldaþý geldi diye, ben artýk sevinçliyim.
Adama,
- Buyur! Dedim.
Adam içeri girdi ki, bir canavar. Yalýnayak, üst baþ dökülüyor. Kýsa, týkýz, kalýn bir
yaratýk. Besili Daðlýç koçu gibi yanpala yanpala yürüyor. Boyun hiç yok, kelle gövdenin
içine kakýlmýþ. Enseyle kafa bir geniþlikte.
Fincan iriliðinde patlak ak gözlerini devire
devire bana bakýyor.
- E, geçmiþ olsun arkadaþ, hoþ geldin !
dedim.
- Eyvallah...
Aman çok iyi, demek ki konuþuyor,
öyleyse insandýr.
Boðuk, çatlak, derinden gelen kalýn bir
sesi var.
- Otur bakalým, dedim.
Yer gösterdim. Ne oturacak, ne yatacak
bir þeyi var.
- Geçmiþ olsun. Ne oldu arkadaþ ?
dedim.
- Bir hergeleyi temizledim, dedi.
Öyle bir gözüme bakýyor ki, beni bir
titreme aldý.
- Adýnýz nedir?
- Benim adým Benli Taci.
- Taci Bey. Aldýrma, boþ ver.
- Abi, bana Bey deme, bozulurum. Benim
adým Benli Taci...
- Aldýrma Taci Efendi.
- Abi, bana Efendi deme, bozulurum.
Benim adým Benli Taci....
Sol yanaðýnda iri kara bir beni var.
- Nerde oldu bu iþ?
- Týmarhanede...
Titir titremeye baþladým.
- Ne zaman oldu?
- Bugün, akþam üzeri. Hergeleyi temizledim, buraya gönderdiler.
- Vah vah...
- Ne vah vahý be...
- Yani, iyi olmuþ, elinize saðlýk.
Sustuk. Göz kuyruðuyla adamý sözüyorum, kötü çok kötü.
Biraz konuþup da yumuþatayým, dedim.
- Neden oldu bu iþ?
- Bugün týmarhanenin ziyaret günü. Ona
dýþardan sucuk getirmiþler. O da sucuðu
une visite. Quelqu’un qui n’était pas venu
les mains vides. Il m’avait apporté un tas
de choses : des cigarettes, du raisin, des
melons, des olives, du fromage, des tomates, de la confiture… Le paradis ! Je posai
tout dans un coin de ma cellule. Je fis un
bon repas copieux. Ce coin ressemblait à
une épicerie, rien que de la voir, j’avais l’âme
réjouie. Je me disais que tout cela me nourrirait pendant un mois. Eh oui, c’est la prison
ici. Il faut y aller lentement.
Plus de problèmes de nourriture. Si au
moins on introduisait ici quelqu’un pour que
je puisse discuter un peu.
Il était minuit. Il faisait frais. Couché sur
mon lit, emmitouflé dans la couverture, j’écrivais un poème. Dehors un bruit se fit entendre, la chaîne de la porte bougea. A cette
heure-ci, d’habitude on n’entendait jamais
rien. Ensuite j’entendis le verrou, la porte en
fer s’ouvrir en grinçant. Je me redressai. Qui
pouvait venir à cette heure ? Je sortis dans
le couloir. Comme celui-ci était obscur, je
ne pus distinguer les deux personnes qui
venaient d’entrer. Quand les deux ombres
s’approchèrent, je reconnus l’homme qui
était derrière. C’était le gardien.
- Il va rester ici, dit-il en poussant l’ombre
qui était devant lui, et il s’en alla. La porte
en fer se referma, on poussa le verrou, on
remit la chaîne. J’étais très content d’avoir
un compagnon.
- Entre donc, dis-je à l’homme.
Il entra. Un vrai monstre ! Pieds nus, vêtements en loques. Un être petit, trapu, épais.
Démarche oscillante comme celle des boucs
bien nourris. Pas de cou, une tête enfouie
directement dans le tronc. La nuque de
même largeur que la tête. Il m’observait de
ses grands yeux qui remuaient sans cesse.
- Sois le bienvenu, mon vieux ! dis-je.
- Merci !
C’était parfait, il savait donc parler.
Il avait une voix sourde, profonde.
- Assieds-toi, dis-je.
Je lui indiquai un coin. On ne lui avait
rien donné, ni pour s’asseoir, ni pour se
coucher.
- Alors, qu’est-ce qui s’est passé, mon
vieux ?
- J’ai liquidé un salaud.
Il avait un regard qui me fit trembler.
- Comment vous appelez-vous ?
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yastýðýn altýna koydu. Birisi yataðýnýn altýna
biþey koydu mu, ben bozulurum. Dýþardan
her ne gelirse, ortaya dökülmeli, millet
yemeli. Ben fena bozuldum. Hergele yataða
uzandý, uyudu. Ben de uyurken þiþledim.
- Ýyi, iyi, çok iyi yapmýþsýnýz.
Hemen karyolanýn altýna davranýp sepeti
çýkardým:
- Buyurun Taci Bey, üzüm ister misiniz?
Peynir de var... Sucuk da var…
- Abi, bana bey deme, bozulurum.
Bir süre sessiz durduk. Aman Allahým…
Herifi nasýl yumuþatsam ?
- Demek týmarhanede oldu ?
- Evet…
- Çok þaþýlacak þey.
- Neden þaþtýn ?
- Siz maþallah, aklý baþýnda bir arkadaþsýnýz. Týmarhanede ne iþiniz vardý ? Yoksa
orada görevli miydiniz ?
- Burdan gönderdiler. Bu hapisanenin zindanýndaydým. Bir hergeleyi temizlemiþtim. O
yüzden beni týmarhaneye göndermiþlerdi.
- Vah vah... Haksýzlýk etmiþler. Affedersiniz, o hergeleyi neden temizlemiþtiniz?
- Beni zindana attýlar burda. Ayaðýma
pranga zincirini vurdular. Her gülle yüz okka.
Sonra bu hergeleyi yanýma attýlar. Ona da
pranga vurdular. Birgün buna ziyaretçisi reçel
getirmiþ. Reçeli yataðýnýn altýna koydu. Ben
buna bozulurum. Dýþardan ne gelirse ortaya
dökülmeli, millet yemeli. Hergeleyi gece uyurken þiþledim.
- Pek güzel yapmýþsýnýz. Elinize saðlýk
Taci Efendi.
- Abi, bana Efendi deme, bak, bozulurum.
Hemen reçel kavanozuna davranýp,
- Buyur Allahaþkýna, yabancý gibi durma,
dedim.
Yine susmuþtuk. Yüreðim küt küt atýyor.
Þurdan “Ýmdat” diye baðýrsam, onlar yetiþesiye, Taci beni temizler.
- Sizin gibi bir insan zindana atýlýr mý hiç...
Yazýk!
- Hapisane koðuþunda bir hergeleyi temizledim de ondan zindana atmýþlardý.
- Yaaa?
- Nasýl yaa?
- Yâni iyi yapmýþsýnýz. Allah bileðinize
kuvvet versin. Sormasý ayýp olmasýn ama, o
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- « Taci au grain de beauté » qu’on m’appelle !
- Monsieur Taci, voyons ne t’en fais pas.
- Mon frère, ne m’appelle « Monsieur »
cela me vexe. Je m’appelle « Taci au grain
de beauté ».
- T’en fais pas, Monsieur Taci.
- Mon frère, ne me traite pas de Monsieur, ça m’irrite ; je m’appelle « Taci
au
grain
de
beauté
».
Il avait un énorme grain de beauté sur la
joue gauche.
- Où cela s’est passé ?
- A l’asile des fous !
Je me mis à trembler comme une feuille.
- Quand ça ?
- Aujourd’hui, vers le soir… J’ai liquidé le
salaud. On m’a expédié ici.
- C’est dommage !
- Comment dommage ?
- Je veux dire que c’est très bien. Louées
soient vos mains !
Un silence. Je l’observais du coin de
l’œil. Il me faisait vraiment peur.
Je décidai d’engager une conversation pour
l’amadouer.
- Et la raison ?
- Aujourd’hui à l’asile, c’était le jour des
visites. Quelqu’un lui apporta un saucisson
et lui, il le mit sous son lit. Quand quelqu’un
met quelque chose sous son lit, moi, ça
m’irrite. Tout ce qui vient de l’extérieur doit
être mis au milieu, tout le monde doit en
manger. Cela m’irrita terriblement. Le salaud
se coucha dans son lit, s’endormit et moi,
pendant son sommeil, je l’ai buté.
- Bien, bien ! Vous avez très bien fait.
Je me précipitais pour sortir la corbeille qui
se trouvait sous le lit.
- Servez-vous, Monsieur Taci. Voulez-vous
du raisin ? Il y a aussi du fromage et du saucisson.
- Mon frère, ne m’appelle pas « Monsieur ».
Ca m’irrite ! Pendant un temps nous gardâmes le silence. Mon Dieu, comment radoucir ce bonhomme !
- Donc cela s’est passé à l’asile ?
- Oui.
- C’est très étonnant ?
- Qu’y a-t-il là d’étonnant ?
- Vous êtes un camarade en pleine possession de ses esprits. ? Que cherchiez-vous
hergeleyi neden temizlemiþtiniz?
- Ziyaret günü karpuz getirmiþler. Karpuzu...
- Yataðýnýn altýna koymuþ.
- Sen nerden biliyorsun?
- Yoo... hani yâni... söz geliþi...
- Gece uyurken þiþledim.
Ranzanýn altýndan karpuzu, kavunu ortaya
çýkardým.
- Neden yemiyorsunuz? Yiyin Allahaþkýna...
Þu dünyaya bak! Sizin gibi bir insaný hapse
atsýnlar... Olur þey deðil.
- Dýþarda bir hergeleyi temizlemiþtim de
ondan hapse attýlar. Bir han odasýnda beraber kalýyorduk. Hergele yataðýnýn altýna...
- Siz de uyurken...
- Þiþledim. Peki sen nerden biliyorsun?
- Yâni, meselâ...
Ben, bu canavarla sabaha kadar ne
yapacaðým? Doðrusu ya, aklýma geleni söyliyeyim: Bu deliyi benim yanýma, beni de
temizlesin diye vermiþlerdir, diye düþündüm. Koca hapisanede yer bulamadýlar
da buraya mý koydular ? Benli Taci, beni
þiþlerse ne çýkar ? Bir yazý kaçýrmak yüzünden þu baþýmýza gelenlere bak, kelleyi vereceðiz.
- Buyrun !.. Neye öyle duruyorsunuz ?
Yesenize !..
Beþ aydýr ziyaretime gelenler hep eli boþ
gelirken bir bugün öteberi getirdiler. Onlarý
da sözüm ona burdan çýkasýya idare edecektim.
- Yiyin rica ederim. Yabancý gibi durmayýn!
Bir gece önce uyumamýþtým. Uyku
gözlerimden akýyor. Ama bir uyusam, Benli
Taci beni þiþler. Kendikendime hesaplýyorum: Benli Taci üzerime atýlýrsa ne yaparým?
Sepeti kafasýna geçiririm ilkin. Arkadan
çarþafý, battaniyeyi. Sonra odanýn içinde
sabaha kadar fýr fýr döneriz. Ben bununla
baþ edebilir miyim? Levend baldýrý gibi kollarý var. Bir kolunda deniz kýzý döðmesi, bir
kolunda iskelet kafasý döðmesi.
Yorganýmla minderimi verdim.
- Siz de burada uyuyun! dedim.
- Ben uyumam, sen uyu! dedi.
Uyumasan daha kötü. Yataða uzandým
ama tetikteyim.
- Topu topu dört hergeleyi geberttim,
à l’asile ? Vous y aviez un poste peut-être ?
- On m’y avait envoyé d’ici. Je me trouvais dans cette prison. J’ai liquidé un salaud.
Alors ils m’ont envoyé à l’asile.
- C’est dommage ! C’est de l’injustice
! Excusez-moi, mais pourquoi avez-vous
liquidé ce salaud ?
- Ici, on m’avait mis au cachot. On m’avait
rivé de grosses chaînes lourdes aux pieds.
Puis on mit ce salaud près de moi. Il était
enchaîné lui aussi. Un jour, un visiteur lui
avait apporté de la confiture. Il la mit sous
son lit. Moi, ça m’irrite. Tout ce qui vient de
l’extérieur doit être mis au milieu Tout le
monde doit en manger. La nuit, pendant que
ce salaud dormait, je le butai.
- Bravo c’est bien fait ! Que vos mains
soient louées, Monsieur Taci.
- Mon frère, ne m’appelle pas « Monsieur », je t’ai déjà dit que cela m’irrite.
Je me précipitai vers le pot de confiture.
- Je t’en prie, prends-en ! Tu te comportes
comme
un
étranger
!
De nouveau un silence. Mon cœur palpitait.
Si je me mettais à crier pour appeler au
secours, avant que quelqu’un arrive, Taci
m’aurait liquidé.
- Mettre au cachot un homme comme
vous… C’est inadmissible !
- On m’avait envoyé au cachot parce que
j’avais liquidé un salaud dans ma cellule.
- Ah bon !
- Quoi, ah bon ?
- Je veux dire que vous avez bien fait.
Que Dieu ajoute de la force à votre poignet.
Excusez-moi d’être indiscret, mais pourquoi
aviez-vous liquidé ce salaud ?
- Le jour des visites, on lui avait apporté
une pastèque et cette pastèque…
- Il l’avait mise sous son lit.
- Comment le sais-tu, toi ?
- Rien… C’est-à-dire… Comme ça.
- La nuit pendant qu’il dormait, je le butai.
Je sortis d’en dessous du lit les pastèques
et les melons.
- Pourquoi n’en mangez-vous pas ?
Mangez, pour l’amour de Dieu ! Il s’en passe
des choses dans ce monde ! Un homme
comme vous, mis en prison… C’est invraisemblable.
- On me mit en prison parce que dehors
j’avais liquidé un salaud. Nous partagions
la même chambre dans une auberge. Le
N° 92-93 OLUSUM/GENESE
,
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benden hesap soruyorlar. Harpte binlerce
kiþiyi öldürürler, kimse kimseden hesap
sormaz. Dört kiþi be... Dört hergelenin hesabý
mý olur?
Ben de bilgiçlik ettim.
- Harp baþka. Harpte adam öldürenler
haklý...
- Yapma be âbi... Ýki taraf haklý, iki taraf
birbirine girmiþ, adam öldürüyor. Hadi bir
taraf haklý, iki taraf da mý haklý? Kim hesap
soruyor? Beni garip buldular, hesap soruyorlar. Topu topu dört kiþi be...
Sustuk. Sonra o bana sordu:
- Sen neden yatýyorsun âbi?
- Ben mi? Hiç... Önemsiz... Bir hergeleyi
þiþledim de..
Benli Taci duraladý:
- Neden âbi?
- Hiiç... Þiþledim iþte.
- Durup dururken mi?
- Durup dururken olur mu? Önce babasýný
þiþlemiþtim. Sonra o da iþime karýþýnca kafam
kýzdý, onu da þiþledim.
Benli Taci’nin o patlak gözleri büsbütün
yuvalarýndan fýrladý.
- Babasýný neye þiþledin?
- Hiiç... öyle iþte... Þiþleyim þunu dedim,
þiþledim.
- Durup dururken mi?
- Yooo. Önce karýsýný þiþlemiþtim. Kocasý
gelince, onu da karýsýnýn yanýna gönderdim.
Benli Taci yerinden kalktý:
- Karýyý neye þiþlemiþtin âbi?
- Valla geçmiþ gün, unuttum.
- Abi, topu topu kaç kiþi?
- Bilmem... On beþ, yirmi var.
- Sen harp etmiþsin be abi...
Taci yorganý, yastýðý aldý, gitti, odanýn
köþesine çekildi. Ben de sabaha kadar ona
kaç hergele þiþlediðimi, nasýl, neden þiþlediðimi anlattým.
Sabah oldu. Benli Taci demir kapýyý
yumruklamaya baþladý. Gardiyan geldi.
Fýsýldaþarak biþeyler konuþtular. Gardiyan
Taci’yi aldý götürdü. Ben de rahata kavuþtum.
Aradan yýllar geçti, sonra duydum ki 1954
yýlýnda Sinop Cezaevinde Benli Taci’yi tabancayla delik-deþik ederek öldürmüþler.
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OLUSUM/GENESE
N° 92-93
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salaud avait mis sous son lit…
- Et vous, pendant qu’il dormait…
- Je le butai. Mais comment le sais-tu,
toi ?
- Heu… C’est-à-dire. Comme ça…
Qu’allais-je devenir en compagnie de ce
monstre jusqu’au matin ? Il faut que j’avoue la
supposition qui me vint à l’esprit. Je me suis
dit qu’ils avaient placé ce fou à mes côtés
pour qu’il me liquide, moi aussi. Comme
s’il n’y avait pas d’autre place dans cette
immense prison ! Si « Taci au grain de beauté
» me butait, moi aussi ? Imaginez un peu ce
qui m’arrivait pour avoir sorti des textes de
prison. Ma tête était en danger.
- Allez-y ! Pourquoi restez-vous comme
ça ? Mangez !
Depuis cinq mois tous mes visiteurs
étaient venus les mains vides et aujourd’hui
on m’avait apporté des vivres. J’avais projeté de les consommer petit à petit jusqu’à la
fin de ma détention.
- Mangez, je vous en prie ! Ne restez
pas comme un étranger ! La nuit d’avant
je n’avais pas dormi. Maintenant le sommeil
me fermait les yeux. Si je m’endormais, Taci
pourrait me buter. Je me mis à calculer mon
coup. Si Taci se jetait sur moi que ferais-je ?
D’abord je passerais la corbeille sur sa tête,
ensuite je l’envelopperais dans le drap et la
couverture, ensuite nous tournerions dans la
cellule jusqu’au matin. Pourrais-je en venir à
bout, de ce bonhomme ! Il avait des bras
de marin. Sur un bras, un tatouage représentait une ondine, sur l’autre bras, un autre
tatouage représentait un crâne de squelette.
Je lui offris ma couverture, mon coussin.
- Vous pouvez dormir là, dis-je.
- Moi, je ne vais pas dormir, mais toi, tu
peux, me dit-il. Si je montrais que je ne dormais pas, je risquais encore plus. Je m’allongeai, mais restai aux aguets.
- Je n’ai fait crever que quatre salauds,
et on me demande des comptes. Pendant
la guerre, ils tuent des milliers d’hommes
et personne ne fait de réclamation. Quatre
hommes en tout, quelle importance cela
a-t-il ?
Je philosophai :
- A la guerre c’est différent. Là-bas ils ont
raison de tuer des gens.
- Je ne suis pas d’accord, frère… Deux
parties passent à l’attaque, tuent des gens.
Admettons que l’une d’elles soit dans son
droit. Tu ne vas pas me dire que toutes
les deux ont raison. Qui leur demande
des comptes ? Ils ont trouvé un pauvre
bougre comme moi, ils me demandent des
comptes. Quatre bonshommes en tout…
Un silence. Puis il demanda :
- Et toi, frère, pourquoi tu es ici ?
- Moi ? Rien… Aucune importance. J’avais
buté un salaud.
« Taci au grain de beauté » parut interloqué.
- Pourquoi, frère ?
- Comme ça… Je le butai.
- Sans aucune raison ?
- Si, il y avait des raisons. J’avais d’abord
buté son père et quand je l’ai vu se mêler
de mes affaires cela me mit en colère, je le
butai lui aussi.
Les grands yeux de « Taci au grain de
beauté » sortirent de leurs orbites.
- Et pourquoi avez-vous buté le père ?
- Pour rien… Comme ça… Je me suis dit,
je vais le buter et je l’ai buté.
- Sans aucune raison ?
- Si. J’avais d’abord buté sa femme.
Quand le mari est venu, je n’ai pas voulu
qu’il reste sans sa part.
« Taci au grain de beauté » se leva.
- Et pourquoi tu avais buté la femme,
frère ?
- A vrai dire, il y a si longtemps, que j’ai
oublié.
- Dis, frère, en tout, cela fait combien de
personnes ?
- Je ne sais plus. Une quinzaine, une
vingtaine.
- Tu as fait une vraie guerre, frère.
Taci prit la couverture et le coussin, se réfugia dans un coin de la cellule et moi, jusqu’au
matin, je lui racontai combien de salauds
j’avais butés et comment je l’avais fait.
Au petit matin, Taci se mit à cogner sur
la porte de fer. Le gardien arriva. Ils discutèrent à voix basse. Le gardien emmena
Taci avec lui. Moi, je retrouvai mon calme.
Des années s’écoulèrent. J’appris un jour,
qu’en 1954, dans la prison de Sinop, « Taci au
grain de beauté » avait été abattu d’un coup
de revolver.
q
N° 92-93 OLUSUM/GENESE
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