Cahier Création à l`intérieur!

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Cahier Création à l`intérieur!
le délit
le seul journal francophone de l’Université McGill
delitfrancais.com
Publié par la société des publications du Daily,
une association étudiante de l’Université McGill
Cahier Création à l’intérieur!
Le mardi 5 avril 2011 | Volume 100 Numéro 24
Franchit les gates depuis 1977
Éditorial
Volume 100 Numéro 24
le délit
Le seul journal francophone
de l’Université McGill
rédaction
[email protected]
3480 rue McTavish, bureau B•24
Montréal (Québec) H3A 1X9
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Télécopieur : +1 514 398-8318
Le politique désartmé
Mai Anh Tran-Ho
Le Délit
E
n organisant un événement où
Stephen Harper joue au piano et
chante Imagine de John Lennon avec
Maria Aragon, une jeune fille d’origine philippine qui doit sa notoriété à son interprétation de Born This Way de Lady Gaga
sur YouTube, les stratèges conservateurs
ont sans doute voulu projeter l’image d’un
Canada cultivé, harmonieux et connecté.
Une image à laquelle nous pouvons tous
nous identifier… sous réserve qu’elle soit
vraie. S’il y une chose qui est vraie dans
cette image, c’est que la culture, pour les
conservateurs, n’est l’affaire que d’un seul
homme: Harper.
L’État, c’est moi
Dans l’éditorial du 1er mars, je disais
que Harper se comportait comme un roi.
Selon lui, il n’existe aucune différence entre
lui et le gouvernement du Canada. Et il le
façonne à son image.
Au début de l’année, le gouvernement
Harper, comme il aime être désormais
nommé, a coupé jusqu’à 45 millions de
dollars dans le financement des arts et de
la culture; le Québec représentant à lui seul
15 millions de ces 45 millions de dollars de
la coupure.
Le Fonds canadien du film et de la
vidéo indépendants, le Canadian Memory
Fund (qui numérise les archives d’agences
fédérales pour un accès en ligne OU électronique), et le Northern Distribution Program
(distributeur du Aboriginal Peoples Television
Network), entre autres, ont perdu leur financement, mais ces coupures ont surtout empêché le financement pour les voyages et les
expositions à l’étranger. Certes, les conservateurs ont investi 100 millions de dollars
dans des événements culturels en 2009,
mais dans des grands festivals déjà financés par des corporations, comme le Festival
International du Film de Toronto. De plus,
l’argent a été distribué par Industrie Canada
plutôt que le Conseil des Arts du Canada.
L’art n’est pas qu’une commodité et ne
devrait pas être livré aux lois du marché et
ce n’est pas à Harper de choisir quels groupes représenteraient le mieux le Canada à
l’international.
L’art est au fondement de l’être humain. Des dessins sur les murs des cavernes
aux dessins de la maternelle, l’art permet de
circonscrire notre monde, de l’exprimer
comme on le conçoit et de le partager aux
autres.
L’art est création et dialogue. Dialogue
à travers le temps, avec nos contemporains,
avec nos ancêtres en puisant dans leur art,
et avec le futur. L’art permet aussi d’étendre notre conception du monde, d’aller à
sa rencontre.
L’art permet d’évoquer nos sentiments,
d’évacuer nos douleurs et nos colères, de
rejoindre les autres dans une expérience
partagée. L’art tisse des liens, crée des communautés.
Comme en témoigne L’envol, la protestation pacifique et créative des étudiants de
l’UQAM (page 7).
La politique des armées
L’image d’un pays, c’est bien plus que
des paroles. «Imagine no possessions, no need
for greed or hunger», la paix n’est certainement pas l’intérêt premier du gouvernement conservateur; personne n’est dupe.
Le Canada a manqué sa chance en
octobre dernier de gagner une place d’une
durée de deux ans au Conseil de Sécurité
des Nations Unies, un des corps les plus
importants en relations internationales. Le
Canada, très actif sur le plan international
–nos contributions en Afghanistan, notre
leadership en Haïti avant et après le tremblement de terre, notre financement dans
l’aide internationale, les sommets du G8 et
du G20 et les Jeux Olympiques d’hiver de
Vancouver– a perdu face au Portugal.
Nous devons nous rendre à l’évidence
que notre pays n’est plus aussi bien perçu
qu’auparavant sur la scène internationale.
Stephen Harper n’était pas suffisamment
engagé dans les affaires internationales
et au sein de l’ONU, a préféré l’ouverture
d’une nouvelle succursale de Tim Horton’s
à Oakville qu’une assemblée générale des
Nations Unies. Notre ancienne bonne réputation est désuète, l’ancien ambassadeur
canadien aux Nations Unies, Robert Fowler
a affirmé: «The world doesn’t need more of the
Canada it has been getting».
Dans le cadre de ce dernier numéro
joint à un cahier dédié à la création, je tenais donc à vous rappeler que l’art a une
liberté à protéger et qu'elle ne devrait en
aucun cas être brimée. Sur ce, ne manquez
pas d'aller voter le 2 mai. x
Rédactrice en chef
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Mai Anh Tran-Ho
Actualités
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Chef de section
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Secrétaire de rédaction
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Rédacteur Campus
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Pizarro Janczur, Luke Powers, Ariane Santerre, Matthieu
Santerre, Sophie Silkes, Thomas Szacka-Marier, Victor
Tangermann, Audrey Yank
Couverture
Photo: Florent Sbai Conti; Montage: Raphaël Thézé
La présence d’un journal francophone à McGill serait
impossible sans l’apport de précieux collaborateurs.
Le Délit tient à remercier tout ceux qui ont participé
et vous attend en septembre prochain!
Louis Aimé, Marion Andreoli, Sabrina Akil Ait, Avocats sans frontières, Ramani Balendra, Marie-France Barrette, Benjamin Barnier,
Nicolas Barnier, Renaud Bécot, Letizia Binda-Partensky, Marie-Lise D.-Bisson, Émilie Blanchard, Alexandre Breton, Ailise Byrne,
Caroline, Augustin Chabrol, Martine Chapuis, Éléna Choquette, Florent Conti, Commission des affaires francophones, Catherine CôtéOstiguy, Raphaël Dallaire Ferland, Max Dannenberg, Thomas Didier, Rosalie Dion-Picard, Guillaume Dore, Justin Doucet, MarieCatherine Ducharme, Stéphanie Dufresne, Guillaume Dumas, Fanny Devaux, Maurice Dykmans, Owen Egan, Gabriel Elison-Scowcroft,
Blair Elliott, Grace Fu, Dan Garmon, Audrey Gauthier, James Gilmour, Emma Godmere, Léa Grantham, Katia Habra, Harmon, Habib
Hassoun, David Huehn, Jane, Humera Jabir, Katie Kelleher, Victoire Krzentowski, Catherine Lafrenière, Charles Larose, Hans Larsen,
Annick Lavogiez, Geneviève Lavoie-Mathieu, Eve Léger-Bélanger, Francis Lehoux, Amélie Lemieux, Annie Li, Andreea Lliescu, Jimmy
Lu, Anouk Manassen, Luba Markovskaia, Sarah Marsolais-Ricard, Véronique Martel, Geneviève Mathis, Marie McCulloch, Margaux
Meurisse, Elizabeth-Ann Michel Boulanger, Marine Moulin, Et-Anne Moinsourath, Andrew Murray, Pascale Nycz, Julianna Obal,
Hannah Palmer, Xavier Phaneuf-Jolicœur, Wendy Papakostandini, Pablo Pizarro Janczur, Luke Powers, Mario Provencher Langlois,
Victor Raynaud, Catherine Renaud, Julie Rich, Maya Riebel, Édith Drouin Rousseau, Andrea Saavedra, Véronique Samson, Matthieu
Santerre, Thomas Szacka-Marier, Sophie Silkes, Ginga Takeshima, Victor Tangermann, Philippe Teisceira-Lessard, André Thiel, JeanFrançois Trudelle, Jade Weymuller, Miranda Whist, Devon Paige Willis, Audrey Yank
2 Éditorial
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Jabir, Anthony Lecossois, Whitney Malett,
Dominic Popowich, Sana Saeed, Mai Anh
Tran-Ho, Will Vanderbilt, Aaron Vansintjan
L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le
texte et ne se veut nullement discriminatoire.
Les opinions exprimées dans ces pages ne reflètent pas
nécessairement celles de l’Université McGill.
Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la
Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en mentionner
la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les
droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de
la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessairement les
produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du
papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental
Transmag, Anjou (Québec).
Le Délit est membre fondateur de la Canadian University Press
(CUP) et du Carrefour international de la presse universitaire
francophone (CIPUF).
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Actualités
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CAMPUS
Un renouveau controversé
Après une dizaine d’années de latence, le bar Gert’s semble avoir pris son envol.
Constat des avancées et des espoirs entourant les rénovations.
Anabel Cossette Civitella
Le Délit
G
erts en est aux balbutiements de sa transformation extrême. José Diaz,
vice-président aux finances et
opérations en 2009-2010 en
avait fait son cheval de bataille;
Nick Drew a suivi son exemple
et a apporté de nouvelles idées.
Natasha Geoffrion-Greenslade
avait travaillé trois ans au Gerts
lors de ses études, et elle est de
retour depuis l’an dernier en
tant que gérante. À la tête d’une
équipe dynamique, elle est fière de dire que 2010-2011 a été
«une année exceptionnelle». Elle
attribue le nouveau succès de
Gerts notamment au personnel
enthousiaste: «la nouvelle énergie derrière le bar y est sûrement
pour beaucoup dans la réputation de Gerts. L’opinion est positive et il est maintenant beaucoup plus facile d’organiser des
événements».
Le bar est une place agréable à côtoyer, où il fait bon de
se rencontrer pour différentes
occasions. «On travaille avec des
groupes d’étudiants qui veulent
faire des partys. On invite des
groupes de musique, des DJ, on
a des prix spéciaux sur l’alcool
tous les jours, explique la gérante,
et Octoberhaus a été un vif succès qui a fait connaître le bar.» Si
José Diaz a fait connaître le bar
grâce au bouche-à-oreille, c’est
Nick Drew qui a veillé à ce que
la clientèle devienne régulière.
«Les prix spéciaux chaque soir et
les deux écrans de télévision HD
avec le câble, par exemple, sont
un succès» souligne-t-il.
Depuis l’an dernier, il y a
bien eu quelques légères modifications à l’apparence du bar,
hormis celles apportées grâce au
concours de design au printemps
dernier. «C’est un long processus qui prend du temps, de l’argent et bien sûr un suivi d’une
année à l’autre» précise Natasha.
Elle ajoute que les rénovations
seront majeures: «le comptoir du
bar sera complètement transformé pour une meilleure organisation de l’espace».
Non seulement le comptoir du bar sera mieux adapté,
mais un changement important
dans l’organisation des cuisines
aura pour effet d’encaisser de
nouveaux profits. Pour l’instant,
Gerts n’a plus de licence pour
vendre de la nourriture. En effet,
suite aux changements de politique au ministère de l’agriculture,
des Pêcheries et de l’alimentation
du Québec, 15% des employés
doivent avoir eu une formation
et une accréditation avant de
pouvoir légalement vendre de la
nourriture. «En attendant que
les employés soient en mesure
de servir et préparer la nourriture, nous pensons au menu en
vigueur prochainement», confie
Natasha. Les fritures habituelles
côtoieront donc les menus du
jour plus consistants dès que les
cuisines seront adéquates.
Le VP aux finances dans tout ça
Nick Drew avait mis le bar
à son agenda en début de mandat, et se dit très satisfait: «Si
l’an passé Gerts fonctionnait sur
une base événementielle, cette
année, les clients réguliers nous
ont permis d’engranger un profit de 4000 dollars».
Avec le concours lancé
par José Diaz en mars 2010,
les plans pour les rénovations
du bar sont maintenant sur la
table de l’équipe de concertation: «le projet est maintenant
Natasha Geoffrion-Greenslade, à gauche, gérante de Gert’s
David Huenh
lancé: on ne peut plus reculer
puisque l’argent a été investi
dans les architectes et designers.
Il faut toutefois que le Conseil
de l’an prochain soit d’accord
pour continuer» ajoute celui qui
détient les cordons du budget
jusqu’en mai 2011.
Depuis 2001, alors que le
bar est au sous-sol, le bâtiment
n’a pas investi beaucoup dans
l’apparence de Gerts. Ainsi, les
463 000 dollars pour la rénovation du comptoir et de la cuisine
semblent nécessaires. «Et nous
avons ces fonds» assure Nick
Drew.
Pour Shyam Patel, le prochain au même poste, son futur
rôle est de veiller au bon fonctionnement des opérations, mais
surtout de s’assurer que les étudiants sont bien servis par le
bar. «Je pense que Gerts est un
lieu qu’il faut encourager, car il
permet aux étudiants de vivre
une expérience agréable après
une dure journée d’examen…
et sécuritaire tout à la fois.» Par
contre, il met un bémol à l’enthousiasme de son prédécesseur quand il analyse le budget
alloué aux rénovations: «s’il y
a 200 000 dollars qui proviennent des comptes de l’AÉUM, le
reste de l’argent n’est pas encore
trouvé» dit-il.
Nick Drew précise que si
la moitié des fonds sont, pour
sûr, débrayés par l’AÉUM, le
Conseil pourrait aussi accepter
d’augmenter le budget afin que
le projet se réalise. La deuxième
moitié proviendrait du Capital
Expenditure Reserve Fund… à
moins que le Conseil ne vote
contre l’augmentation du bud-
get. Si c’était le cas, Nick Drew
devrait apporter d’autres idées
de financement.
Habituellement,
lorsque
l’AÉUM veut augmenter son
budget, il y a augmentation des
frais d’affiliation à l’Association
étudiante. «Les investissements
sont restreints: nous ne pouvons
pas les retirer» ironise Shyam
Patel; «pour moi, augmenter les
frais des étudiants dans la période de crise que nous traversons,
même si ce n’est pas de beaucoup, me semble inacceptable».
Le prochain VP aux finances
revient à la charge: «c’est une
question de priorités. Si on met
l’argent dans le bar, ce sont des
sous en moins pour les locaux
de comités». Il met en doute la
viabilité à long terme d’un projet qui met de côté les aspects
matériels pour uniquement se
préoccuper des idées. En effet,
avoir une vision, c’est bien, mais
la priorité devrait appartenir aux
étudiants: «devons-nous mettre
notre énergie aux rénovations
de Gerts ou sur tous les autres
sujets chauds en ce moment?»
demande Shyam.
Argent, pas argent, depuis
l’an dernier, le bar est de plus
en plus populaire. Enfin, pour
Natasha Geoffrion-Greenslade,
les critères d’embauche de l’an
prochain seront plus précis, avec
une attention particulière au
bilinguisme au sein de l’équipe.
«Puisque nous réussissons à
attirer de plus en plus de francophones, il devient primordial
que les barmen parlent un minimum de français» insiste-t-elle.
Un Gerts dans le trou, mais bilingue? À voir. x
Au Gerts, vous entendez tous les potins. Faites-en part à [email protected]!
BRÈVE: CAMPUS
Vive les vacances!
Les étudiants profiteront d’une semaine de plus à Noël.
J
oshua Abaki, VP aux Affaires
universitaires, a annoncé l’arrivée du nouveau calendrier
scolaire au conseil législatif jeudi
dernier. Les changements rallongeront les vacances de Noël
d’une semaine, du 3 janvier au 9
janvier pour l’année 2012.
L’AÉUM a enquêté auprès
des étudiants de premier et de
deuxième cycles, et leur a de-
mandé de ranger en ordre de
priorité des options diverses, tel
qu’ajouter une semaine de lecture au semestre d’automne, plus
de jours réservés à l’étude avant
la période d’examen ou de plus
longues vacances d’hiver. 42%
des étudiants de premier cycle
ont voté en faveur d’une semaine
de relâche en hiver plus longue,
33% préférait une semaine de
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
lecture en automne et seulement
25% pour des jours d’études.
Les
répondants
étaient
aussi amenés à choisir le revers
de la médaille: pour des jours
de repos de plus, la semaine
d’examen sera elle, plus courte.
La plupart des étudiants (21%)
étaient pour cette mesure et
contre le fait de finir plus tard
en mai (de nombreux étudiants
ne prennent un bail que jusqu’à
la fin avril) et commencer plus
tôt en août. Pour raccourcir la
semaine d’examen, certains examens seront tenus le soir (de
18h à 21h). L’université testera
sa capacité logistique de faire
ce changement lors de deux ou
trois examens le soir ce mois-ci,
lors de la période d’examen.
Des changements de dates,
dans la même direction, seront
aussi décidés (comme de coutume, deux ans à l’avance) pour
les années 2012- 2013 et 20132014. Ces changements seront
permanents si acceptés au Sénat,
car les principes de bases régulant la tenu des examens seront
eux-mêmes changés.
Emma Ailinn Hautecoeur
Actualités
3
CAMPUS
AMURE se certifie
La syndicalisation va bon train à l’université McGill.
Emma Ailinn Hautecoeur
Le Délit
E
n décembre dernier, les
étudiants de premier cycle
employés par l’université
McGill se syndiquaient. Au même
moment, les assistants de recherches se sont syndicalisés au sein
d’AMURE (Association of McGill
University Employees), après un
référendum qui leur a valu d’être
certifiés par la Commission des
normes du travail.
AMURE est composé de
deux branches: celle des associés
de recherches, majoritaires au sein
du syndicat, et celle des assistants
de recherches, certifiés le 20 décembre dernier. Selon le président
d’AMURE, Matthew Annis, 30 à
50% des assistants de recherches
auraient signé une pétition pour
amorcer leur syndicalisation, et
80% d’entre eux auraient voté en
faveur d’une syndicalisation lors
du referendum. Pour l’instant,
l’exécutif est seulement composé
d’associés de recherches, mais on
prévoit réserver deux sièges pour
chacun des groupes, ainsi que
trois autres –ceux de président,
de trésorier et de secrétaire– qui
seront ouverts à tous. En entrevue
avec Le Délit, Jesse Gutman, assistant de recherches impliqué dans
le syndicat, dit avoir eu quelques
doutes au début quant à la juste
représentation des assistants de
recherches, par rapport aux associés qui sont plus nombreux. Il
estime que «c’est un bon choix,
Problèmes de communication chez AMURE
Matthieu Santerre | Le Délit
s’ils sont solidaires». AMURE a
épousé le modèle des syndicats
homologues d’autres universités de Montréal, qui rassemblent
tous les employés de recherches
en une seule unité.
Jesse Gutman pense que «la
création de ce syndicat est une
grande réussite pour le campus de
l’université, qui a vécu des défaites cette année, comme la perte du
Arch café et la controverse entourant Zach Newburgh». Elle donne
aux employés des recours légaux
en cas de harcèlement sexuel ou
d’abus salarial, par exemple, et
leur offre «une représentation
beaucoup plus robuste et politisée» continue Gutman. Plusieurs
griefs ont déjà été déposés, la plupart concernant des résiliations de
contrat de travail, a laissé savoir
M. Annis, dans un courriel au
Délit.
Gutman retrace l’idée originale de créer ce syndicat à la suite
des grèves des TAs (Teacher’s
Assistants) en 2007. À la suite de
cet événement, les professeurs
s’étaient retrouvés à devoir corriger la totalité de leurs copies, et
certains avaient demandé à leur
assistant de recherche de faire le
travail à leur place, ce qui avait
causé une certaine frustration
chez les assistants de recherches.
Alors que les autres syndicats représentant les employés
de McGill, dont AMUSE –l’organisation sœur de AMURE– ont
signé un pacte de solidarité le 25
janvier dernier, M. Annis affirme
avoir discuté d’une potentielle
signature de pacte et reçu des
réactions positives des membres
de son syndicat.Autre développement en suspens: l’accord collectif à négocier avec l’université. Il y
aura deux unités de négociations
et deux contrats, mais chacune
des branches doit encore consulter ses membres pour savoir
quelle position adopter. Cela se
fera jeudi prochain, le 7 avril, lors
de la première assemblée générale d’AMURE. Annis estime que
le principal point de désaccord
concernera sûrement les salaires. Il note qu’«il n’existe aucune
échelle de salaire à McGill, ni
de plan de classification pour
les associés et les assistants de
recherches, et beaucoup de nos
membres se sont plaints de ne pas
avoir profité d’une augmentation
de salaire depuis des années».
Étant donné que l’université
n’a fourni qu’une liste de noms
des employés de recherches à
AMURE, le personnel du syndicat
a dû deviner leurs adresses respectives, sous le format prenom.
[email protected], pour informer
les employés de leurs droits et de
la tenue de l’assemblée générale.
Dans un courriel au McGill Daily,
Lynne Gervais, vice-présidente
associée aux ressources humaines, dit «devoir aux syndicats un
rapport mensuel de leur corps
syndicalisé, mais que c’est aux
employés que revient la responsabilité de garder leurs coordonnées
à jour». x
CAMPUS
La haine tweetée
Les réseaux sociaux sont sources de chaos sur les campus.
Anthony Lecossois
Le Délit
L
es menaces sur Twitter à
McGill, la vidéo raciste
«Asians in the Library» à
l’Université de Californie à Los
Angeles; dans les deux cas le
comportement en ligne d’étudiants qui déclenchent un blitz
de communication de la part des
universités.
Rapides et viraux, les réseaux
sociaux sont impossibles à contrôler. Lorsque le nom de l’université
est lié au débordement électronique de l’un de ses étudiants, tout
se passe comme si elle se sentait
responsable auprès de l’opinion
publique. Les faits et gestes de ses
étudiants affectent leur image, et
bien souvent les universités sont
sommées de prendre des mesures.
À McGill, la page Facebook
«McGill: Stop Hate, Protect Students»
a été créée pour faire pression sur
l’université pour qu’elle prenne
«les mesures disciplinaires les
4 Actualités
plus strictes à l’encontre de Haaris
Khaan», l’auteur des tweets. La
page compte une petite centaine
d’adeptes.
Après la publication par le
McGill Tribune des détails de
l’événement le mardi, le plan de
communication de l’université
s’est articulé en trois mouvements.
L’envoi le jeudi d’un courriel à
l’ensemble de la communauté
(étudiants et employés), une lettre
ouverte dans le McGill Reporter, la
publication des services de communication de l’université et enfin les réponses très limitées aux
questions des médias. La ligne est
claire: nous prenons ce genre de
propos très au sérieux, nous les
condamnons et nous prenons les
mesures appropriées. C’est là que
la loi du Québec sur la vie privée
entre en jeu. Celle-ci est souvent
invoquée par l’université qui y
voit l’interdiction de publier la
nature des mesures disciplinaires
prises à l’encontre d’un étudiant
en particulier.
À UCLA, la réaction de l’université a été similaire, et même
plus rapide. Dès le lendemain
de la mise en ligne de la vidéo,
le chancelier de l’université californienne envoyait un courriel
à la communauté condamnant
les propos tenus par Alexandra
Wallace. Le même jour, il enregistrait une déclaration mise en
ligne sur YouTube dans laquelle
il expliquait que c’était «un jour
triste pour UCLA et décevant à
titre personnel». Tout comme la
principale de McGill, il appelait à
un usage responsable des réseaux
sociaux.
Ces deux événements ont
pris des proportions gigantesques.
Les propos tenus, amplifiés par
la caisse de résonnance que sont
Internet et les réseaux sociaux,
ont dépassé les murs des universités. Les dirigeants de ces institutions se retrouvent aujourd’hui
dans une situation où ils doivent
réagir à des propos publiés «par
un simple clic», comme les décrit
Raphaël Thézé | Le Délit
le courriel de McGill. La machine
s’emballe et les étudiants blogueurs perdent le contrôle. Suite
aux menaces et aux pressions,
Alexandra Wallace a quitté l’Université de Californie. x
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
ÉDUCATION, ENTREVUE
La question demeure
Le Délit s’est entretenu par courriel avec Patrick Sabourin, l’un des trois auteurs
de l’Enquête sur les comportements linguistiques des étudiants du collégial sur l’île de
Montréal.
Mai Anh Tran-Ho
Le Délit
L
e vieux débat sur la défense
de la langue française est
de retour dans l’actualité.
Application de la loi 101 au cégep,
programmes bilingues, quel avenir
pour le français?
L’enquête, sa portée et ses limites
Patrick Sabourin, étudiant au
doctorat en démographie à l’INRS,
explique que l’enquête voulait, «à
l’aide de données nouvelles, alimenter la réflexion sur la question
linguistique au cégep». L’auteur
soutient que, jusqu’à la publication de leurs analyses par l’Institut de recherche sur le français
en Amérique (IRFA) en septembre dernier, «aucune recherche
d’envergure n’avait été réalisée sur
le sujet». La Centrale des syndicats du Québec (CSQ), qui leur a
confié le mandat de recherche original dans le but d’approfondir sa
réflexion sur la possibilité d’appliquer la loi 101 au cégep, souhaitait comprendre les raisons qui
motivent les francophones et les
allophones à fréquenter le cégep
anglophone, explique Monsieur
Sabourin.
«L’anglais serait la
langue de la mobilité sociale ascendante.»
L’enquête sur les comportements linguistiques des étudiants
du collégial sur l’île de Montréal
(ECLEC) concluait que l’usage de
l’anglais prédominait comme langue d’usage public, privé et de la
consommation des biens culturels
lorsque les étudiants avaient fréquenté le cégep anglais. L’ECLEC
révélait, entre autres, que les étudiants choisissent rarement un
cégep en fonction de leurs amis,
que ce choix demeurait individuel
–tout en étant possiblement lié à
un parent anglophone ou avec
une affinité pour cette langue et/
ou culture–, et que de nombreux
répondants disaient choisir le
cégep anglais pour parfaire leur
bilinguisme. L’anglais conserverait
alors un grand pouvoir d’attraction, il serait «la langue de la mobilité sociale ascendante». Ces rapports «ont suscité beaucoup d’intérêt et de discussions, mais n’ont
pas mené jusqu’à maintenant à
des actions concrètes», poursuit
Patrick Sabourin. La CSQ s’étend
toujours sur la question qui sera
débattue au prochain congrès du
Parti Québécois.
Bien sûr, il est difficile d’évaluer tous les facteurs dans une
telle enquête. Par exemple, on met
en regard dans la conclusion le
fait que les jeunes d’aujourd’hui,
ayant une meilleure connaissance
de l’anglais, sont plus enclins à
regarder les films dans leur langue originale. «L’idéal aurait été
de réaliser une enquête longitudinale dans laquelle nous aurions
suivi une cohorte de jeunes à partir du secondaire jusqu’à l’entrée
sur le marché du travail. Nous
aurions pu mesurer véritablement
«Les universités
de langue anglaise
récoltent plus de
25% des fonds et
des places d’études
alors que les anglophones ne constituent que 8,5% de
la population.»
l’évolution de leurs comportements linguistiques plutôt que
d’en prendre une mesure ponctuelle comme nous l’avons fait
avec l’ECLEC», affirme Monsieur
Sabourin. Toutefois, «les enquêtes
longitudinales sont extrêmement
difficiles à réaliser (on perd souvent les participants en cours de
route, le suivi devant être fait sur
plus de dix ans) et sont très coûteuses», explique-t-il.
L’ECLEC présentait une
autre limite liée la formulation de
Statistique Canada adoptée pour
les questions sur les comportements linguistiques («Quelle langue parlez-vous le plus souvent?»,
etc). «Cette formulation a le mérite
d’identifier la langue préférée ou
dominante, mais ne donne pas
d’indication sur l’utilisation précise de la langue au quotidien»,
révèle Monsieur Sabourin. «La
seule façon de repousser ces limites est de multiplier les enquêtes
et les analyses et d’en comparer
les résultats et les méthodologies.
Or, pour l’instant, l’enquête de
l’IRFA est la seule disponible…»,
conclut-il.
Appliquer la loi ou pas, là est la
question
Le 24 mars, Denis Lessard
déclarait dans La Presse que le
Conseil supérieur de la langue
française (CSLF) estimait qu’il
serait une erreur d’assujettir les
cégeps à la loi 101 et que, toujours selon le CSLF, il n’y avait pas
d’«exode» des étudiants du secondaire francophone vers les cégeps
anglophones. Une déclaration qui
serait officiellement énoncée cette
semaine.
Une contradiction avec le
constat de l’IRFA? Pas tout à fait.
L’ECLEC ne fait pas référence à
un «exode», mais souligne que
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
«les cégeps anglais fonctionnent
à pleine capacité (Dawson refuse
même des étudiants ayant de très
bons dossiers et John Abbott a été
contraint de louer des locaux dans
une école voisine), [qu’]au cours
des cinq dernières années, le nombre de demandes d’admission a
crû beaucoup plus rapidement au
cégep anglais (30%) qu’au cégep
français (10%) [et qu’]à l’automne
2010, environ 75% des quelques
900 nouvelles places créées dans
les cégeps de Montréal l’ont été
dans des cégeps anglais», explique
Patrick Sabourin.
Il poursuit son explication
en signalant que les données du
CSLF ne révèlent pas tout, notamment pour le futur. «Si les effectifs
du cégep anglais se maintiennent
(flux constants) alors que ceux du
cégep français diminuent, l’importance relative du réseau anglais
augmentera alors que celui-ci
compte déjà plus de 16% des places.»
Monsieur Sabourin n’a pas
d’avis tranché quant à l’application de la loi 101 au cégep. L’IRFA,
rappelle-t-il, préfère distinguer le
débat scientifique du débat politique. «Par exemple, nos données
montrent que le cégep anglais est
une étape importante du cheminement qui mène généralement
à la fréquentation d’une université de langue anglaise et/ou à un
travail en anglais. Ceci constitue le
constat scientifique. Par la suite,
on peut décider que cette anglicisation est moins importante que la
liberté de choisir la langue de ses
études postsecondaires. Ce choix
est politique. Il revient donc au
politique, et donc finalement aux
citoyens, de trancher entre ces
deux «valeurs»: le développement
du français ou la liberté de choix.»
l’inverse». «La situation est donc
plutôt asymétrique et rendrait
une généralisation du système
d’échange problématique: il y
aurait vraisemblablement une demande plus forte pour les cours en
anglais que pour les cours en français», selon Monsieur Sabourin.
Le français à vendre
Pourrait-on mieux «vendre» la langue française, comme
un bien à consommer, puisqu’il
semble que la langue de consommation de biens culturels permet,
d’une manière concrète et forte,
de s’attacher à une culture particulière? Patrick Sabourin ne
croit pas que «vendre» le français
(«j’ai déjà entendu un professeur
parler de “mettre le français en
mode séduction”») serait efficace.
Utiliser les biens culturels pour
mieux faire la promotion de la
langue est une approche limitée,
affirme-t-il. «L’ECLEC a bien
montré que les étudiants du cégep
anglais consommaient très peu de
biens culturels de langue française. Ensuite, cantonner la promotion de la langue française dans
la sphère culturelle reviendrait en
quelque sorte à la folkloriser.»
«Plusieurs
investissements
du gouvernement ont tendance
à survaloriser l’anglais. Prenons
l’exemple du réseau universitaire
(on pourrait également mentionner les investissements en santé,
en recherche, ou les emplois dans
la fonction publique fédérale): au
Québec, les universités de langue
anglaise récoltent plus de 25% des
fonds et des places d’études alors
que les anglophones ne constituent que 8,5% de la population»,
évoque-t-il. «Au Québec, plus
on monte dans le système d’éducation, plus le pourcentage des
places dans le réseau anglais est
important.» Enfin, «pour assurer efficacement la protection du français, il
faut d’abord en faire une langue
utile et nécessaire dans tous les
aspects de la vie quotidienne. Or,
il est très facile de vivre sa vie complètement en anglais à Montréal»,
soutient Monsieur Sabourin.
Continuez votre lecture:
www.csq.qc.net/sites/1676/documents/publications/rapport_
IRFA_jan2011.pdf
«Il revient donc au
politique, et donc
finalement aux
citoyens, de trancher entre ces deux
“valeurs”: le développement du français ou la liberté de
choix.»
Aux étudiants de choisir
Les
cégeps
privés
Marianopolis et Jean-de-Brébeuf,
ainsi que les cégeps publics Vanier
et Saint-Laurent, proposeront des
programmes bilingues avec une
immersion d’un semestre dans
l’autre langue à partir de septembre prochain. Initiative intéressante, mais Patrick Sabourin demeure
«un peu sceptique». L’ECLEC «a
montré que les étudiants du cégep
anglais étaient moins intéressés à
suivre des cours en français que
Actualités
5
CHRONIQUE
CAMPUS, ENTREVUE
Francis L. Racine | Le Franc-parleur
«The Library - by Rupert Common» fait le
portrait réaliste et divertissant de la vie
étudiante à McGill. Entrevue avec le
monteur, Jonathan Glancy.
The library sucks
Réforme exigée
Le président démissionne, vive le président. Surprise,
certes. Cependant, cette démission doit être un message clair
pour une réforme des comportements. En effet, la démission vendredi du président de l’Assemblée nationale, Yvon Vallières,
a répandu la consternation. Ce
parlementaire d’expérience a
caractérisé la période actuelle
comme étant la pire qu’il ait vu
en trente-trois ans de vie politique active.
De plus, l’ex-président a
pointé du doigt le leader parlementaire du Parti Québécois, Stéphane
Bédard, dans sa lettre de démission:
«Je peux comprendre qu’on ne soit
pas d’accord avec une décision de
la présidence et que l’on veuille argumenter. Cependant, ce que je ne
peux accepter, c’est que l’on remette en cause mon impartialité, ma
neutralité et que je fasse constamment l’objet d’interpellations et de
remarques inappropriées de la part
du leader parlementaire de l’opposition officielle».
Il est impératif, en tant que citoyen, de s’en saisir et de demander
une réforme de la période de questions et de réponses orales. De plus,
Monsieur Vallières mentionnait
que la période de questions était
devenue insoutenable. Les citoyens
que nous sommes ne s’y retrouvent
plus entre les questions portant sur
des allégations infondées de l’opposition et nécessairement le peu
de réponses du gouvernement.
Prenant en considération le
fait que notre système parlementaire s’inscrit dans la tradition de
Westminster, il serait temps de
revoir notre procédure afin de
l’actualiser en prenant exemple
sur les autres parlements d’inspiration britannique.
Celui du Royaume-Uni peut
sembler bon, cependant, seul le
Premier ministre répond à toutes les questions durant la Prime
Minister Question Time.
Au lieu de réformer de tous
bords ou de complètement détruire la période de questions, il serait
opportun de la rendre meilleure,
pour que les citoyens puissent se
l’approprier. Comment? S’assurer
que les questions soient factuelles
et que les réponses soient justes.
Une proposition simple pour
en finir avec les allégations et les
ouï-dire. Que les oppositions fournissent leurs questions au moins
24 heures à l’avance aux ministres
concernés afin que ceux-ci puissent fournir à l’Assemblée une
réponse satisfaisante; les questions
complémentaires dépendraient de
la réponse du ministre et seraient
donc improvisées sur le moment.
De cette manière, l’opposition déposera des questions factuelles et
ainsi le gouvernement pourra donner les réponses tant espérées par
les oppositions.
Bref, la population mérite une
réforme pour s’y retrouver dans cet
ensemble de procédures. x
CHRONIQUE
Climat d’élections
Audrey Yank | Bulle climatique
Pancartes,
discours,
débats, publicité. La campagne électorale bat son plein et plus on approche de la date fatidique, plus le climat se tend, et plus les médias ont
de quoi se délecter. Dans moins d’un
mois, nous serons tous appelés aux
urnes. Et je dis bien tous parce que
n’oublions pas que l’âge requis pour
voter est bel et bien dix-huit ans et
non trente. Le taux de participation
aux élections chez les 18-24 ans
n’est seulement que 37%.
La jeunesse est souvent connue
pour faire progresser les débats
d’idées. On est plus ouvert, on est
curieux, on veut faire bouger les choses. Par contre, ce n’est pas en laissant tout le reste des citoyens s’emparer de notre démocratie qu’on va
réussir à faire une différence. On est
quand même plus de trois millions
entre dix-huit et vingt-qautre ans, on
a du poids dans la balance… si on
veut bien exercer notre droit de vote.
6 Actualités
On se sent insignifiant. Un vote
de plus ou de moins; quelle différence? C’est un manque de respect
envers notre démocratie! Si tout le
monde se disait ça, il n’y aurait pas
de démocratie. Et dire que certains
meurent dans d’autres pays pour
gagner leur propre démocratie. C’est
le temps de se réapproprier la nôtre
au lieu de se faire mener par le bout
du nez. On a notre mot à dire.
L’environnement, les changements climatiques font malheureusement très peu partie des sujets
chauds dans les discours électoraux.
Ce sont pourtant des enjeux majeurs et il est inquiétant qu’on n’en
parle pas plus. On a besoin plus que
jamais d’un gouvernement visionnaire, qui voit plus loin que ses quatre ans au pouvoir, pour adresser les
problèmes environnementaux.
Au bout du compte si on décide de ne pas voter pour un gouvernement qui remet l’argent de
nos taxes à desvindustries de sables
bitumineux, qui élimine le seul projet de loi au Canada sur les changements climatiques, etc., et qu’on
vote le 2 mai, on a plus de chances
que ça change. Si on baisse les bras
à l’avance et qu’on garde le discours
défaitiste du «ça ne changera rien»,
là on peut être certain que rien ne
changera.
Si au lieu d’attendre de se faire
dire par les partis pour qui voter
on leur disait plutôt ce sur quoi on
aimerait voter. Je vous invite à aller
remplir le sondage sur Leadnow.ca,
une organisation qui veut identifier
les enjeux que les Canadiens ont à
cœur et faire pression sur les différents partis. On sous-estime trop
souvent le pouvoir qu’on a d’influencer les discours politiques ;
voici une belle occasion de se réengager dans notre démocratie.
Finalement, je me demande
aussi comment une telle campagne
électorale pourrait être déployée
autrement pour en diminuer son
empreinte écologique. Un vol
pour Terre-Neuve, un autre pour
Toronto en passant par Victoria.
Du CO2 en veux-tu, en voilà. Pas
surprenant qu’on entende très peu
parler des changements climatiques dans la campagne. Pourtant,
avec les technologies de l’information, je suis certaine qu’il y aurait
une façon de réduire de beaucoup
les émissions au cours d’une campagne. Une compagnie de voiture
a dernièrement réduit de 97% ses
émissions habituelles lors d’un
tournage de publicité. Bouffe locale, transport en commun, matériel
local sur le plateau, etc. Une comparaison qui démontre que tout est
possible quand la volonté est de la
partie.
Pour faire ma part, le 2 mai je
me rendrai au bureau de vote en
vélo pour réduire à ma façon l’empreinte de cette campagne. Puis je
vous souhaite finalement bonnes
élections! Car ce n’est pas seulement celle des candidats, c’est la
nôtre aussi! x
Le Délit: Comment avezvous participé à ce projet, la
vidéo ayant été filmée il y a
deux ans par Alec Griffen?
Jonathan Glancy: Rupert
et moi jouions au rugby pour
les Redmen quand nous étions
au bac. Tandis que nous nous
entraînions au gym, il répétait sa
routine de stand-up pour moi,
ou bien il essayait de nouvelles rimes, ce qui rendait l’expérience très drôle à chaque fois.
Puis, passent deux ans: j’habite
en Floride, je gagne ma vie en
tant que monteur, et Rupert est
un vagabond professionnel en
Nouvelle-Zélande et m’envoie
toujours des courriels. Il me parle d’un clip qu’il essayait de faire
au moment où il était à McGill
et qu’il n’avait jamais fini. Je me
souvenais de la chanson, alors
je lui ai demandé de m’envoyer
la vidéo brute et lui ai dit que je
finirai avec plaisir la vidéo. Voilà!
LD: Pouvez-vous en dire
plus sur la conception de la
vidéo originale?
JG: À mon insu, Alec et
Rupe avaient filmé une vidéo à
un moment donné lors de notre
troisième année. Même si je n’en
faisais pas partie, je me souviens
d’avoir écouté sa chanson pendant les examens de mi-session
et de fin de session, puis d’avoir
pensé «Oui, ils ont tapé dans le
mille!» Quand on regarde autour
de soi dans McLennan et que
l’on voit tout le monde super
concentré sur ses études jusqu’à
l’obsession, on ne peut que rire
de l’intensité.
LD: Comment décririezvous la vie étudiante à McGill?
JG: Je décrirai la vie du campus comme hétérogène dans
tous les sens. On a des gens
de partout dans le monde qui
parlent des langues différentes
et qui étudient des sujets où
l’on apprend comment gagner
beaucoup d’argent puis sauver
le monde, et ce, dans une seule
matinée! Moi, je complétais une
majeure en finances et Rupe
étudiait la littérature de langue
anglaise, alors on s’est amusé à
se moquer un peu des différences entre les facultés.
LD : Comment YouTube,
Facebook, Like A Little peuvent-ils contribuer à bâtir une
communauté sur et autour du
campus?
Comme tout le monde le
reconnaît, Facebook était censé
à l’origine bâtir des relations et
–on l’espère– aider des gens à
baiser. Très tôt, je pense qu’on
s’est tous rendu compte de la
nature addictive de la chose:
parcourir les pages de profil
des gens, écouter des vidéos
avec nos amis et même avec des
étrangers (creepy!). Ça découle de
notre désir de faire partie d’une
communauté des gens qui pensent comme nous. On espère
que ces gens-là fermeront leurs
ordinateurs et iront rencontrer
ces communautés en personne,
mais ceci n’est pas toujours le
cas. Sur un campus, comme celui
de McGill, qui est relativement
petit, on ne peut demander une
meilleure façon de rapidement et
facilement faire la connaissance
des personnes, surtout avec
Facebook et YouTube.
LD: Est-ce que cette vidéo
se voulait seulement divertissante, ou se dotait-elle d’une
autre portée sur le campus?
JG: C’était juste pour s’amuser à l’époque. Et puis on commençait à me donner beaucoup
de feedback positif de la part
d’étudiants et d’anciens. Je pense
que les mcgillois partagent cette
lutte quand ils entrent dans la
période d’examens et Rupe a
réussi à capter ce sentiment. En
ce qui concerne son impact, j’espère que les gens vont pouvoir
rire et se sentir moins stressés!
Jonathan Glancy, né à Seattle,
dans l’État de Washington, s’est
aventuré à l’aveuglette à McGill
et a fini par l’aimer. Sa passion
pour la réalisation de courts
métrages et de vidéos s’est finalement concrétisée lors de sa
quatrième année, lorsqu’il fait un
stage à l’ONF. Il travaille maintenant pour IMG Academies en
Floride. Vous pouvez regarder
ses autres vidéos sur http://vimeo.
com/21639905. x
Propos recueillis par Mai Anh Tran-Ho.
Propos traduits par William M. Burton.
Faites manchette
dès septembre
[email protected]
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
ÉDUCATION, INTERNET
L’autre visage de la manif
Aujourd’hui, le mécontentement et les revendications s’expriment sur la toile.
Le refus de la hausse des frais de scolarité, version 2.0.
Pascale Nycz
Mai Anh Tran-Ho
Le Délit
«I
nternet est de plus en
plus un média incontournable pour rejoindre les gens», affirme Gabriel
Nadeau-Dubois, porte-parole de
l’ASSÉ (Association pour une
solidarité syndicale étudiante).
Le groupe, qui a récemment produit les vidéos «Mathieu contre
la hausse des frais» et «Lauriane
contre la hausse des frais» partagées sur YouTube, a su rejoindre
et susciter les étudiants à participer au débat.
Jeudi dernier, 60 000 étudiants étaient en grève, rappelant
ainsi au gouvernement que leur
mécontentement ne s’apaiserait
pas. Le 17 mars, le ministre des
Finances, Raymond Bachand, a
annoncé que les frais de scolarité
des étudiants québécois augmenteront de 325 dollars par année
sur cinq ans; une hausse totale
de 1625 dollars qui maintiendrait
néanmoins le Québec en deça de
la moyenne canadienne, entendon marteler.
Depuis cette annonce, les
militants étudiants occupent
les bureaux du gouvernement,
se présentent aux réunions et
au congrès du Parti Libéral du
Québec, manifestent dans les
rues. On ne retient souvent que
le côté perturbateur et violent
de ces actions, et on néglige
parfois de rappeler l’enjeu. Une
vidéo cependant remet le «jeu»
dans la formule: «L’envol –
Démonstration publique».
Le 30 mars, de nombreux
étudiants ont rempli l’agora de
Thomas Szacka-Marier
l’UQAM et ont lancé des avions
de papier, pliés à partir de factures des droits de scolarité, pour
symboliser leur opposition à la
hausse des frais. Un geste collectif filmé, édité et largement partagé sur Facebook et YouTube.
«C’est un bon moyen de porter le
message du refus hors des murs
de notre université», témoigne
Simon Grégoire, qui a eu l’idée
originale pour la vidéo.
Ce nuage d’avions, loin
d’être une «action typée» tel que
pourrait l’être la manifestation
rappelle-t-il, semble être mieux
reçu que d’autres vidéos militantes, si on se fie au nombre de likes
et dislikes par rapport au nombre
de vues. Même s’il peut effacer
des commentaires désobligeants,
Simon Grégoire assure que ce
n’est pas à lui de contrôler la
discussion. Il soutient que «c’est
une action portée par une coalition d’acteurs, [que] c’est le fruit
d’un mouvement social, [que] la
communauté étudiante s’était
mobilisée et [qu’elle] s’est chargée de répondre».
Étudiant en sciences politiques à l’UQAM, Simon Grégoire
sait lui aussi très bien qu’il existe
«mille moyens de manifester» et
de sensibiliser les gens, et que
l’Internet est une des clés. «Ce
n’est plus un secret pour personne, les réseaux sociaux, c’est magique; ils l’ont tous compris en
l’Afrique du Nord et au Maghreb.
Ici, je pense qu’on en est au balbutiements du potentiel de ces
réseaux» dit-il.
Un sacré «pari» que Simon
Grégoire a pris avec ses amis
(Fred Fortier, Félix Lamoureux,
Nicolas Moreau, Pascale Nycz,
Thomas Szacka-Marier), car
même s’ils étaient nombreux à
dire qu’ils seraient présents sur
Facebook, rien ne garantissait
que ces étudiants seraient au
rendez-vous mercredi dernier.
Pourtant, ils étaient «suffisamment là pour remplir l’agora»
confirme l’étudiant avec sourire.
«On voulait faire lumière sur le
mouvement, que ça aille au-delà
des universités.» Simon ajoute
que «c’est de l’art engagé, utile,
citoyen». «L’art est absolument
rassembleur», conclut-il.
Cette manière différente
de s’affirmer au sein de l’espace
public, qui perturbe peut-être
moins le quotidien des gens mais
poursuit le débat, est sans aucun
doute à suivre au cours de la prochaine année. x
BRÈVE: ÉDUCATION
À nouveau dans la rue
Victor Tangermann
Hélicoptères, police montée
–à cheval ou en vélo–, fourgons,
ambulances et policiers à pied côtoyaient les centaines d’étudiants
venus manifester contre la hausse
des frais de scolarité jeudi dernier.
La rue Sainte-Catherine a encore
une fois été prise d’assaut par la
population étudiante en colère.
Surprenant, mais vrai: «même
Grasset est contre la hausse des
frais!» clamait une bannière d’un
rouge vif. En effet, du public ou du
privé, du cégep ou de l’université,
venus du domaines des arts ou des
sciences, ils étaient nombreux à
exhiber leur refus de la hausse des
frais de scolarité. La manifestation
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
a malheureusement tourné au
vinaigre arrivée au coin des rues
McGill College et Sherbrooke où
il y a eu des arrestations.
Ces revendications n’iront
pas en diminuant. La population,
elle, perdra-t-elle intérêt?
Anabel Cossette Civitella
Victor Tangermann
Actualités
7
Société
[email protected]
Une vie à
La traversée du Canada de Van
Florent Conti
Le Délit
L’
idée m’est venue un soir enneigé de décembre.
Il était 23h et j’ai lancé à mes amis: «Je sais, c’est
complètement fou et irréalisable mais… j’ai le goût
de traverser le Canada en vélo». Me sauvant du silence de
la solitude, Maurice s’est écrié: «Vraiment? Bah, tiens-moi
au courant parce que, moi, ça me tente!»
Et c’est ainsi que nous nous trouvons au mois de juin à
l’aéroport Trudeau, chargés d’une vingtaine de kilos chacun
et de nos vélos achetés peu de temps avant le départ. Le plus
bizarre était de n’avoir qu’un seul billet d’avion, un aller sans
retour. Traverser le continent en six heures, puis le retraverser en une quarantaine de jours.
s’intègre au voyageur. Pédaler toute la journée devient normal, dormir sur un matelas aussi confortable qu’une planche de bois aussi.
Ce voyage se résume peut-être à trois choses. Toute
personne rencontrée devient très vite votre ami. Nous
avons croisé un nombre incalculable de cyclistes comme
nous, dans notre direction ou non, à notre rythme ou au
leur, faisant le même voyage, mais à la fois complètement
différemment, et c’est cela qui passionne le voyageur dans
«Voyager, ça fait travailler l’imagination.
Tout le reste n’est que déceptions et
fatigues.»
ses pérégrinations. Au moment où il débute son périple, il
est empreint d’une sorte de pureté face au monde devant
lui. Tout tourne autour de cette obsession qu’est la prochaine destination. Finis les petits tracas de notre société de
consommation, le voyage permet de mieux se connaître et
de mieux connaître les autres. Comme dit Céline, «voyager,
ça fait travailler l’imagination. Tout le reste n’est que déceptions et fatigues».
Colombie-Britannique:
born to be wild
L’entrée dans le voyage
Il fallait avant tout se préparer à cette aventure; apprendre à bien répartir le poids entre les sacoches, savoir anticiper le passage des gros semi-remorques, planter la tente,
s’habituer à la nourriture de camping, etc. Puis, le rythme
8
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Première semaine du voyage, nous nous trouvions dans
la Vallée du Fraser, partie sauvage et encore indomptée de
la Colombie-Britannique malgré les innombrables chercheurs d’or qui se sont perdus dans les canyons escarpés et
rocheux. Nous nous installions comme d’habitude jusqu’à
ce qu’un bruit se fît entendre. «Check!», me lance Maurice,
qui a les yeux fixés sur quelque chose dans la forêt. Et je
vois, là, à vingt pieds de nous, une masse noire imposante.
Une ourse noire et ses trois oursons qu’elle surveille en
nous fixant. Évidemment, j’ai d’abord eu peur de ce gros
mammifère imprévisible, incontrôlable et puissant. Mais la
peur s’est effacée. Très vite, son regard qui semblait menaçant, devient contemplatif, et puis, d’une démarche paisible
et lourde, l’ourse s’est éloignée avec ses petits.
Une seconde chose qui rythme la traversée du Canada
à vélo, c’est la nature. Rien n’est apprivoisé, tout reste sauvage dans cette étendue où la Transcanadienne reste le seul
sentier battu. Ici, ce n’est pas un zoo, ni un parc forestier,
il n’y a pas de grille protectrice qui voudrait hypocritement
«protéger la nature». C’est ce genre de rencontres imprévisibles qui permettraient à toute une société de vraiment
prendre conscience de l’état de la nature; car il est bien facile
de parler d’écologie depuis nos belles métropoles isolées de
la réalité sauvage menacée.
Quitter la Colombie-Britannique fut un déchirement.
Plus que jamais, nous saisissons pourquoi on l’appelait
«Beautiful British Columbia»: une province aux mille reliefs,
aux climats si changeants et aux esprits si apaisés. Les
Rocheuses réservaient néanmoins elles aussi une expérience extraordinaire.
Chapeaux de cow-boys,
vaches et pétrole
Nous sommes passés par le Lac Louise pour aller vers
l’Alberta. Je pensais faire mes adieux à ces places pleines de
beauté et de tranquillité, mais j’avais tort. Je m’attendais à
une étendue d’eau préservée, vide de toute population et
avais oublié la présence de l’hôtel Fairmont Lake Louise
sur les rivages de l’eau turquoise des glaciers. Quoiqu’il
arrive, les lieux touristiques malgré leurs noms prestigieux
et les images qu’ils suscitent dans notre imaginaire ne
à voyager
ncouver à Montréal en vélo
b
Laurent Conti | Le Délit
comblent pas les attentes du voyageur en quête d’authenticité et d’évasion.
Le choc fut rapide. Les Albertains le savent, les
touristes aussi, ils ont tous le même mot à la bouche,
qui se répand même au-delà des frontières de l’Alberta:
Stampede. L’incarnation de l’Alberta dans tous ses clichés de cow-boy. Chapeau, «pitounes» et gros truck sont
au rendez-vous. Personnellement, je n’éprouve pas le
même attachement que les Albertains aux cornes et aux
sabots, mais rétrospectivement, je trouve cet événement
incroyable. Un petit bout d’identité de l’Ouest du Canada
qui sent le bovin et l’essence.
Ce sont à présent les longues et venteuses routes des
Prairies qui s’ouvrent devant nous. Le vent. Indomptable.
Ennemi du cycliste.
Nous étions accueillis comme une foire en ville: nous
suscitions de l’intérêt et les gens voulaient nous aider. Une
dame nous apporta un petit déjeuner, on nous a offert des
pizzas un midi, un autre nous a invité chez lui pour des
fish&chips. Nous représentions peut-être pour ces gens une
fenêtre vers l’extérieur, l’ailleurs, mais ils savaient surtout
que les conditions de notre voyage n’étaient pas faciles.
Encore du chemin
Arrivés au Manitoba, nous commencions à nous ennuyer. Nous étions passés par des villes et avions vu du
monde! Nous avons constaté que nous aimions peu les villes, excepté la nôtre, et que Montréal nous manquait un peu.
La Saskatchewan fut une réelle surprise. Une province
verte et vallonnée, les «cieux vivants». Puis, on nous avait
averti: «Le Manitoba c’est dangereux, les camions sont peu
soucieux des cyclistes, les routes rétrécissent et l’entrée de
l’Ontario, c’est pire». L’Ontario signifiait la fin du voyage.
Enfin je le croyais. De beaux paysages, mais très semblables,
et des routes sacrément rudes pour les cyclistes. C’est aussi
là où les mêmes cyclistes affluent. Chacun avec son propre
voyage et sa propre expérience. Nous partagions tous cette
liberté qui nous habite.
Quand nous avons vu les frontières du Québec pour
la première fois, nous savions que la fin du voyage était à
quelques coups de pédale. Le climat de début juillet, plus
humide, était familier. Après un petit déjeuner volé par un
raton laveur obèse, selon moi, ou une cohorte d’écureuils
affamés, selon Maurice, nous continuions notre route.
Tout le long de la rivière des Outaouais, nous apercevions ces forêts denses de l’Abitibi-Témiscamingue, et
Ottawa se rapprochait. Finalement, à quelques kilomètres de Montréal, les gens que nous croisions ne savaient
pas ce que nous avions parcouru, ignoraient ce que nous
avions vu.
et anglaise, qui leur incombe. Pourtant «sur le terrain», «en
région» –expressions issues de la métropole que j’apprécie
peu– le reste du Canada n’a pas le même discours. Comme
si à McGill, une sélection naturelle s’effectuait. Une sélection d’étudiants venant à Montréal, y restant quatre ans et
ne comprenant toujours pas pourquoi nous y parlons fran-
Dans une contrée lointaine,
près de chez vous
Cette traversée à vélo est une parfaite façon de voir la
cohésion d’un pays et ses particularités territoriales. Nous
avons aussi tous les mêmes préoccupations. Jamais je n’ai
été aussi près de ces autres francophones du Canada dont
nous parlons beaucoup mais que nous ignorons tant. De
Gravelbourg en Saskatchewan à Saint-Boniface plus à l’Est,
ils sont pourtant bien là.
«Chacun avec son propre voyage et son
expérience, nous partageons tous cette
même liberté qui nous habite.»
Souvent, en tant que francophones à McGill nous
avons cette impression que certains anglophones ont des
difficultés à accepter l’identité canadienne double, française
çais. Au beau milieu des Prairies ou même dans les parties plus reculées de l’Ontario, être francophone n’est
pas un gros mot ni une barrière. Partout dans ce Rest of
Canada demeure une tolérance et une ouverture d’esprit
parfois absente du campus de l’Université McGill de
Montréal, Québec.
Je retiens de ce périple que tout devient possible,
rien ne demeure infaisable une fois que l’idée se matérialise. Chacun, à son rythme, chacun avec son itinéraire
qu’il soit long ou non, aventureux ou pas. Le voyage est
accessible à tous. Et peu importe le voyage. Qu’il soit en
terre inconnue ou chez nous, au Québec.
Avant ce voyage, j’avais l’impression que nous
connaissions tous une personne qui avait traversé le
Canada en bicyclette. Si ce n’est pas votre cas, je veux
bien être cette personne. x
Raphaël Thézé | Le Délit
Société
9
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CHRONIQUE
I have a dream
Raphaël Thézé | Étonnante science
La
nature
de
la
conscience humaine a toujours
été une question d’intérêt pour
les philosophes et autres chercheurs de l’esprit. Depuis peu,
les neurobiologistes spécialistes
des sciences cognitives tentent
eux aussi d’y répondre en réalisant des études scientifiques aussi
rigoureuses que possible. Une
méthode parmi d’autres consiste
à utiliser ce que l’on nomme les
«rêves lucides», c’est-à-dire un
état de conscience tel qu’un individu endormi sait qu’il est en train
de rêver.
Le phénomène, nommé ainsi par le psychiatre néerlandais
Frederik van Eeden en 1913, est
documenté et étudié depuis le milieu du XIXe siècle. C’est l’aristocrate Hervey de Saint-Denys qui
fut le premier à publier un livre
sur le sujet en 1867. Son intérêt
était d’explorer les implications
morales des différents états de
conscience, à savoir si l’on pouvait
être tenu responsable du contenu
de ses rêves. D’autres personnes
eurent toutefois recours à ce procédé pour répondre à différentes
questions, comme Mary ArnoldForster qui écrivit tout un livre sur
l’exploration des limites d’un rêve
lucide. Les premières études objectives et scientifiques sur le sujet
sont attribuées à K. M. Hearne
(1978), suivant la découverte du
sommeil paradoxal par Aserinsky
et Kleitman (1953), et précédant le
travail de Steven LaBerge (1980)
qui fut certainement celui qui
approfondit le plus la recherche
dans ce domaine.
LaBerge a surtout exploré les
possibilités d’informer un dormeur qu’il est en état de sommeil, sans pour autant le réveiller,
pour ensuite communiquer avec
lui dans son rêve. Lors du som-
meil, tous les muscles du corps
sont paralysés, excepté ceux des
oreilles, de la langue et des yeux. Il
devient ainsi possible de signaler
au sujet qu’il se trouve en état de
sommeil paradoxal par une série
de pulsions lumineuses codées
selon une certaine séquence prédéterminée. Le sujet peut ensuite
répondre par une séquence de
mouvement des yeux prédéterminée elle aussi, et le contact est
établi.
Les problèmes que soulève
ce genre d’étude est d’une part, la
difficulté pour les sujets de devenir
lucides lors d’un rêve, et, d’autre
part, la rigueur objective des mesures effectuées. Naturellement,
des détracteurs suspicieux ont
protesté qu’il était impossible
d’être conscient lors du sommeil paradoxal, et que les sujets
devaient forcément être éveillés.
Certaines études semblent situer
l’occurrence des rêves lors du
sommeil paradoxal, tout en mesurant un état éveillé du cerveau
sur un électro-encéphalogramme
(EEG), suggérant une dissociation
de l’esprit entre deux états: éveillé
et endormi au même moment.
Ce concept, troublant au premier abord, n’est pas aussi surprenant qu’il le paraît. Schenck
et Mahowald (1996) soulignent
le cas du somnambulisme, où la
zone génératrice des mouvements
de pas et le système de navigation
du cerveau sont complètement
fonctionnels, alors que le reste
du cortex cérébral est encore au
stade IV du sommeil. D’une certaine manière, les perceptions
vivides d’un rêve peuvent être
considérées littéralement comme
une expérience hallucinatoire. En
quelque sorte, lors d’une hallucination à œil ouvert, le système de
génération d’image du sommeil
paradoxal est enclenché en plein
état de conscience. Le cerveau se
trouve dans deux états simultanément. Allan Hobson semble en
conclure que l’état de rêve lucide
constituerait un troisième état de
conscience, étudié empiriquement sans encore avoir été théorisé (2009).
Deux études supporteraient
cette idée. La première, dirigée
par Voss et ses collègues (2009),
étudie la corrélation des profils de
cohérence des ondes cérébrales
entre l’état éveillé et endormi. Le
rêve lucide est caractérisé par un
état transitoire entre les deux,
particulièrement dans la région
frontale. La deuxième, une étude
allemande menée par Michael
Czisch (2005, 2007), fait appel aux
techniques d’imagerie par résonnement magnétique (IRM) pour
détecter les différentes régions
cérébrales activées. En plus des
régions frontales, certaines structures du cortex pariétal et temporal étaient actives, les mêmes qui
furent proposées par Vincent et
ses collègues (2007) comme étant
le siège de la conscience.
Qu’en est-il alors de la
conscience de l’esprit par rapport au cerveau? Peut-on parler de deux entités distinctes?
Une question particulièrement
pertinente à l’hypothèse de la
virtualité du réel est de savoir si
les actes de nos rêves font appel
aux mêmes circuits neuronaux
que lors de l’éveil. La réponse,
il semblerait, se trouve à michemin entre la philosophie, la
parapsychologie et la neurologie... ou dans une bonne nuit de
sommeil! x
moire que l’on distingue plus facilement nos rêves de la réalité. Il
est donc fortement recommandé
de noter tous ses rêves dans un
journal. Cela permet d’identifier
des motifs récurrents. Essayez de
rester allongé quelques secondes
au réveil, les yeux fermés; cela
permet de se concentrer sur les
dernières images du rêve et de
s’en souvenir plus facilement.
Pendant la journée, on recommande de se demander plusieurs fois: «Est ce que je rêve?»
et de s’assurer que ce n’est pas
le cas. On peut se regarder dans
un miroir, par exemple; lors d’un
rêve, notre propre image est parfois trouble, bizarre, différente.
Lire permet aussi de distinguer
le rêve de la réalité; concentrezvous donc sur un texte ou sur
une montre, levez les yeux, puis
regardez à nouveau. Le texte (ou
l’heure) aura sûrement changé si
vous rêvez. Lorsque la pratique
de tels tests sera devenue une
habitude, vous commencerez à
les effectuer en rêvant, et vous
pourrez alors être conscient que
vous rêvez.
Par ailleurs, pour pouvoir
passer directement de l’éveil
au rêve lucide, il faut rester
conscient pendant l’état intermédiaire. En vous endormant,
visualisez la transition au monde
du rêve; essayez de vous imaginer
dans des escaliers ou de tourner
sur vous-même. Ne vous laissez
surtout pas distraire. Lorsque
les images deviennent plus vives,
c’est que vous entrez dans le rêve.
Pour s’entraîner, le chercheur
Stephen LaBerge recommande
de faire sonner un réveil au bout
de quatre heure et demie, six ou
sept heures de sommeil; le but
est de se réveiller, de se concentrer sur le rêve que l’on vient de
faire et d’essayer d’en reprendre
le cours tout en sachant qu’on
est en train de rêver. Mieux vaut
tenter un rêve lucide lorsqu’on a
mal dormi la nuit d’avant, ou lors
d’une sieste; certaines études
prouvent que les rêves lucides
sont plus rares lors d’une nuit
normale.
Ce processus d’entraînement requiert beaucoup d’effort.
Impossible de prédire combien
de temps cela prendra. Pourtant,
le résultat ne peut être que gratifiant. Faire un rêve lucide revient
tout d’abord à dominer son
propre esprit; il devient donc
possible d’éviter les cauchemars.
Cela permet aussi de se réconcilier avec son inconscient. Pour
ceux qui aiment tout contrôler,
on peut vivre des choses qui
nous sont hors de portée au
quotidien: voler, se téléporter,
voyager, changer d’apparence,
respirer sous l’eau. Un monde
où tout est possible s’ouvre à
nous. x
BILLET
Rêver éveillé
Ines De La Cuetera
Je me revois clairement marcher, tomber. J’essaie de me relever, mais cela m’est impossible. Je
suis accrochée à une falaise, incapable de remonter. Impossible
aussi de voir le fond –l’abîme est
trop profond. «Et si je rêvais?»,
je me demande. «Si je rêvais, je
pourrais me lâcher… juste pour
voir. Ce serait plutôt drôle.» Sans
vraiment m’en rendre compte,
c’est ce que je décide de faire. Je
lâche prise et tombe. J’atterris au
milieu d’un lac paisible. Je décide
de m’aventurer à la découverte
de ces nouveaux parages… et
mon rêve s’achève.
A mon réveil, je saisis mon
Mac et fais quelques recherches
à propos de ce rêve conscient.
J’apprends que je viens de faire
un rêve dit «lucide» –il existe des
centaines de sites web consacrés
à ce phénomène. Un petit faible
Vivez
pour DiCaprio dans Inception m’a
peut-être influencée, me voilà
fascinée.
Alors, qu’est-ce qu’un rêve
lucide? Selon la définition qu’en
donne Wikipédia, il s’agit d’un
«rêve dans lequel le sujet est
conscient de rêver». Il en existe
deux sortes: d’une part, les rêves
lucides initiés pendant le sommeil (ceux qui se produisent
un peu «par accident»), d’autre
part, les rêves lucides initiés au
moment ou le rêveur s’endort.
Dans ce cas, le rêveur passe directement de l’éveil au rêve. Il
contrôle donc ce qu’il voit et ce
qu’il fait.
Il est possible de s’entraîner
à faire des rêves lucides. Le plus
important est d’être capable de
se souvenir de ses rêves. Inutile
de s’entraîner à faire des rêves
lucides si l’on est incapable de
s’en souvenir au réveil. De plus,
c’est en développant cette mé-
Being Francophone
sur la page facebook!
Un documentaire en co-production avec TVMcGill sur
la vie et l’expérience francophone sur le campus.
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Société
11
OPINION
Stéréotypes gais
LGBT: communauté très diversifiée!
S
i le récent article «Le Campus, ce
grand village» (29 mars 2011), au
sujet de la vie des étudiants LGBT,
soulève certaines questions intéressantes,
sa portée restreinte véhicule une perception bornée et peu inclusive de cette communauté. En effet, les huit étudiants interviewés sont tous des hommes. Il aurait été
plus approprié d’inclure des lesbiennes et
des personnes transgenres. Cela aurait eu le
mérite de refléter davantage la diversité au
sein même des étudiants LGBT.
De plus, les photos de cinq hommes
blancs à demi déshabillés risquent de renforcer non seulement une image peu inclusive de la communauté queer (malheureusement déjà trop scindée sur les plans de sexe
et d’ethnie), mais aussi le stéréotype lascif
des hommes gays. Auriez-vous publié des
photos aussi suggestives dans un article sur
les hommes ou les femmes hétéro?
Je remets également en question la
phrase «Not gay as in happy, but queer as in
fuck you depuis 1977» sur la première page.
Ce «fuck you» attribue aux personnes queer
une arrogance et une suffisance dont peu
d’entre elles font preuve.
Étudiant à la Faculté de droit, je peux
corroborer l’affirmation de mon collègue
Étienne quant à la présence importante
d’étudiants queer dans la faculté; rien que
dans notre cohorte, presque le quart des
hommes s’avouent gays, et un certain nombre de femmes se disent lesbiennes ou bisexuelles. Par contre, les professeurs LGBT
s’avèrent beaucoup plus rares: que je sache,
il n’y en a que deux, dont Robert Leckey. x
Scott Horne
U1, Étudiant en droit
OPINION
Assurer un foyer sécuritaire pour les enfants est la
responsabilité de tous
J
’écris en réponse à la lettre d’opinion
publiée le 29 mars 2011, intitulée de
façon créative «L’“homosexualisme”,
nouvelle tyrannie du XXIe siècle» par
Guillaume Dumas. L’auteur semble comparer le refus de renouveler un agrément
de famille d’accueil par une agence britannique à un couple anti-homosexuel à
la Terreur de la Révolution française et au
mouvement de dérussification en Estonie.
Je ne sais même pas par où commencer. L’auteur semble mal saisir les questions de fond soulevées par les enjeux
de ce litige britannique. Il y a une distinction manifeste à tracer entre le droit
à la vie et le droit d’agir comme famille
d’accueil. Il y a également une différence
entre le droit à la citoyenneté nationale
et, encore, le droit d’agir comme famille
d’accueil.
Nous sommes tous d’accord pour dire
qu’aucune personne ne devrait être privée
de sa vie ou de sa citoyenneté acquise à la
naissance. Je suis certain que de nombreuses
conventions internationales et chartes de
droits protègent ces intérêts primordiaux. Le
prétendu droit d’agir comme famille d’accueil, cependant, est une toute autre chose.
Un foyer d’accueil est un service public,
organisé et encadré par l’État. Quand on
devient une famille d’accueil, on devient
fournisseur d’un service public. Il n’y a
pas de droit illimité à devenir une famille
d’accueil. Et, plus important encore, l’État
a la responsabilité d’assurer un environnement sécuritaire pour tout enfant en
foyer d’accueil, qu’il soit gay ou hétéro.
Si la question contestée était «vous sentez-vous à l’aise de dire à un enfant que
les filles méritent autant de respect que les
garçons?», au lieu de «vous sentez-vous à
l’aise de dire à un enfant que l’homosexualité est acceptable?», je présume que l’affaire n’aurait pas suscité une telle polémique.
Une agence gouvernementale chargée de
services sociaux a la responsabilité de fournir un foyer aussi sécuritaire pour les filles
qui font face à des préjugés sexistes que pour
les enfants qui, en explorant leur sexualité, affrontent des préjugés homophobes.
Ce cas ne constitue par une affaire de liberté d’expression ou bien de liberté religieuse.
Owen et Eunice Johns continuent de jouir
du plein droit d’exprimer leur opinion et de
pratiquer leur religion. La Haute Cour de
Nottingham, par contre, a statué qu’ils ne
peuvent pas assurer une mission de service
public dans laquelle la préoccupation première est la sécurité de l’enfant, sans vouloir garantir un foyer propice au bon développement de tout enfant. x
Gregory Ko
U4, Étudiant en droit
EN COLLABORATION AVEC :
CHANGEMENTS LOCAUX, RÉSULTATS MONDIAUX
PRÉSENTE
UN SOMMET SUR L’ENGAGEMENT COMMUNAUTAIRE
Conférenciers invités
12
Arts & Culture
Directeur / fondateur
de « Youth Fusion »
ENVIRONMENTALISTE CANADIEN
DE RENOMMÉE INTERNATIONALE
Journalistes pour les
droits de l’homme,
division de McGill
ANCIEN SECRÉTAIRE-GÉNÉRAL DE
L’ONU ET LAURÉAT DU PRIX NOBEL
DE LA PAIX
ANCIEN ENVOYÉ SPÉCIAL DE
L’ONU POUR LE VIH / SIDA EN
AFRIQUE
LE 28 AVRIL 2011
PALAIS DES CONGRÈS DE MONTRÉAL
20 AVENUE VIGER OUEST, MONTRÉAL, QC
20 $
Directrice exécutive du
programme de bénévolat
à l’étranger de l’Université
Concordia
Cinq jours pour les sans-abri
CASA – JMSB
pour étudiants inscrits
à l’Université McGill
Billets en vente au bureau de l’AÉUM
au 3600 rue McTavish, suite 1200
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Arts&Culture
[email protected]
CINÉMA
La connexion latine
Le festival du cinéma latino-américain de Montréal, une sélection des meilleurs
films d’Amérique latine au Cinéma du Parc jusqu’au 25 avril.
Geneviève Mathis
Le Délit
C
’est une occasion unique de découvrir les films acclamés dans le
monde hispanophone et dans les
plus grands festivals de cinéma autour
du monde, ainsi que dans les moins
connus: certains films, à plus petit budget, ne passeront qu’une fois sur les
écrans.
Mise à part sa sélection officielle de
films, le festival présente aussi des documentaires, courts-métrages et œuvres
de réalisateurs émergents d’Amérique
latine. La collection présentée incorpore aussi des films espagnols. En hommage au réalisateur chilien Alejandro
Jodorowsky, le festival s’est ouvert sur
la projection de deux de ses films cultes:
La montaña sagrada et Santa Sangre.
Gracieuseté du Festival du cinéma latino-américain de Montréal
Gamineries illégales
Asalto al cine raconte la réalité d’une
bande de quatre adolescents mexicains
qui ont délaissé l’école pour côtoyer les
mondes du graffiti, du rap et de la drogue.
L’accent est mis sur le contexte de leurs
vies individuelles et de groupe, décrit par
une caméra qui sacrifie les effets esthétiques pour céder à une histoire imprégnée
d’un réalisme contextuel: ils rêvent chacun d’amour, de luxe ou de notoriété, et
cherchent un moyen de sortir leur famille
de la pauvreté qu’engendrent chômage et
dettes de loyer.
Leurs courage, confiance entre amis
et solidarité de groupe sont mis à l’épreuve lorsque, motivés par des aspirations
très humaines, ils décident de voler les
caisses du cinéma local. Malgré un succès
in-extremis, les adolescents ne parviennent pas à réaliser leurs rêves et retombent dans leur situation initiale. Tout en
permettant une approche empathique au
comportement des personnages, le film
laisse le spectateur sur l’impression amère que leur misère et drames quotidiens
ne possèdent pas de porte de sortie. x
Pour plus d’information sur le Festival
du cinéma latino-américain de Montréal,
consultez:
www.cinemaduparc.com/prochainement.php
Gracieuseté du Festival du cinéma latino-américain de Montréal
L’amour métropolitain à 40 ans
Igualita a mi est une comédie sur le
thème des relations amoureuses et familiales dans la mégalopole moderne de Buenos
Aires. Freddy, homme d’affaires célibataire,
utilise depuis plus de vingt-cinq ans le club
de danse Tequila comme terrain de drague. À quarante-et-un ans, sa vie est bouleversée lorsqu’il apprend que sa dernière
recrue du club, Aylín, est en fait née d’une
aventure avec une femme de ce même club,
vingt-trois ans plus tôt. Il redouble de stupeur lorsque des tests médicaux annoncent
qu’elle attend un enfant.
À mesure que la sensibilité de la jeune
Aylín dérange le confort qu’il s’était trouvé autour de sa vie obstinément gamine,
Freddy découvre les beautés de la vie de
famille que lui avaient longtemps cachées
ses phobies du mariage, des responsabilités
parentales et du vieillissement. Malgré une
intrigue et une formule cinématographique
prévisibles, le film ne manque pas de divertir
par ses nombreux quiproquos et réparties,
pour lesquels certains, toutefois, auront à
s’accrocher aux défilés de sous-titres pour
capter l’humour vif des discussions. x
Dénoncer le silence
Todos tus muertos utilise une approche
tout en symboles pour dénoncer la cruauté
et l’hypocrisie, alimentées par la corruption, qui règnent dans les municipalités
provinciales de Colombie lors des campagnes électorales. On accompagne Salvador
dans ses pérégrinations lorsqu’il découvre
un amas de cadavres déposé au fond d’un
champ où il se rend pour travailler. Affolé,
il tente de placer sa famille en sécurité, puis
accourt au village pour signaler le crime à
la police et à la radio locale. Cela déclenche,
à son insu, les mécanismes de défense des
intérêts du maire et d’autres figures politiques, qui, dans une tentative de cacher
le massacre, impliquent l’assassinat de
l’animateur de radio et des étrangers américains au service d’une organisation pour
les droits humains. La famille de Salvador
vit cette aventure avec une angoisse grandissante, à mesure qu’elle réalise l’absence
de soutien de la part de leur gouvernement
pour leur condition vulnérable de paysans
de campagne. Du début jusqu’à la fin du
film, de multiples résonances symboliques
parsèment le discours cinématographique,
par le moyen de paroles, d’objets ou de scènes allégoriques. Couplée au souci accordé aux prises de vue, l’esthétique apporte
une texture riche au contenu du film qui
sera assurément apprécié par l’observateur
attentif. x
Gracieuseté du Festival du cinéma latino-américain de Montréal
Le Délit recherche des chroniqueurs culturels pour l’année
2011-2012. Inspirés?
Écrivez à [email protected]
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Arts & Culture
13
LITTÉRATURE: Comédie sentimentale pornographique
La mise en scène du désir
Annick Lavogiez
Le Délit
Une ogresse
affamée
Dynah Psyché plonge en plein coeur de
la Martinique, entre réel et surnaturel,
dans L’Ogresse.
D
ans Comédie sentimentale
pornographique (Delcourt),
dont le titre induira en
erreur plus d’un lecteur, Beaulieu
parle certes de sexe, et de manière
plutôt libre, mais il livre surtout les
interrogations, fantasmes et émois
de quelques trentenaires: Louis, un
cinéaste qui, après le succès de son
navet cinématographique, décide
de s’exiler sur la Côte Nord pour
écrire, sa copine Corrine, libre et
bisexuelle, Martin Gariépy, auteur
de Pink Floyd ou La Morbidité des
partys du sous-sol à Beauport, un jeune homme inconditionnellement
amoureux de filles inaccessibles
et de diverses femmes incroyablement belles et sensuelles, Simone,
la boulangère de la rue SaintStanislas, Annie et bien d’autres. À
travers ces personnages, Beaulieu
explore visuellement et textuellement des thèmes que l’on trouvait
déjà dans À la faveur de la nuit (la
nuit, le rêve, la fascination, l’amour,
le désir, le corps), mais qu’il renouvelle ici avec justesse et finesse.
La qualité et l’originalité au
rendez-vous…
Cette bande dessinée d’environ trois cents pages est un récit
fragmenté dans sa structure et son
histoire. Celle-ci, plutôt difficile à
résumer tant elle est libre et complexe, entremêle divers personnages du quotidien dans une série
d’anecdotes savoureuses. Le trait
est fluide, et le dessin, loin d’être
rigide, effectué grâce à divers
matériaux (stylo, rotring, plomb,
entre autres), est soutenu par une
riche palette de couleurs (l’auteur
a varié crayons de couleur et aquarelle). Le résultat est incontestablement réussi: Beaulieu offre une
œuvre rythmée dans laquelle on
décèle avec plaisir son «œil amoureux» –pour reprendre le titre de
l’ouvrage d’entretiens avec David
Turgeon à propos de Comédie sentimentale pornographique.
LITTÉRATURE
Marion Andreoli
Le Délit
’est l’histoire d’un don.
Un don envahissant. Un
don dévastateur. Un don
qui contrôle la vie de l’Ogresse, la
narratrice. Et, chose certaine, «certains dons sont difficiles à porter».
Descendante d’Euzèbe le
Cannibale, l’Ogresse raconte son
histoire, l’évolution de son don
qui contrôle tous ses faits et gestes, la poussant à une boulimie
extrême qui lui vaut sa réputation
de mange-tout. Un drôle d’héritage dont l’Ogresse a appris à s’accomoder. Bien qu’elle le déteste,
elle n’a pas le choix: quand le don
veut quelque chose, il l’a. «Le don
est le grand maître. C’est lui qui
pense et qui décide.» Elle ne peut
aller contre lui et décide donc de
l’apprivoiser.
Dès son plus jeune âge,
Sophonie s’adonne à diverses expériences gustatives: dégustations
de rognures d’ongles, de crottes
de nez, d’insectes en tout genre,
de casseroles, de bijoux.
Oui, Sophonie, ne la regardez pas
comme ça, il paraît qu’elle avale des
pierres…
- Pas seulement les pierres… La
terre aussi. Et le sable…
- Et le fer… Elle mange tout !
- La viande, le sang, la peau, les
yeux, le bec, les pieds… Je me demande
où ça va la mener, cette voracité…
Cependant, un événement
vient tout bouleverser: la découverte du doigt d’un enfant, un
auriculaire qu’un coutelas abandonné blesse, au grand plaisir de
Sophonie.
J’en ai d’abord testé la résistance avec les lèvres, j’ai perçu la soie
de sa peau de bébé, sa fermeté, et j’ai
croqué, en fermant les yeux. Juteux.
Salé. Sucré. Dur. Mou. Dur encore.
Élastique. Cartilagineux.
Suprême. Un vrai dessert.
Une nouvelle ère
commençait.
Le don grossit, sa dictature
se faisant de plus en plus pressante. Et quand il finit par prendre
totalement le dessus, l’Ogresse se
transforme en animal, traquant sa
proie, à l’affût de la moindre odeur
alléchante.
Tandis que moi, je ne suis qu’une
sensation: le goût. Tout, chez moi, est
basé dessus. Il domine le reste. Ma vie
se définit en saveurs, dans une variété
des milliers de fois plus riche que les
classifications d’usage.
De nombreux personnages
évoluent autour de l’Ogresse:
Euphémie, entre autres, celle qui
pousse Sophonie à s’enfoncer
dans le don, et Kongo, le passeur
de don, envers qui la narratrice
se sent irrésistiblement attirée
bien malgré elle. Encore une fois,
«c’était la volonté du don, pas la
sienne». Dynah Psyché conte la
vie de l’Ogresse sur un fond d’histoire familiale digne des tragédies
grecques où les amours interdites –adultères et incestes– et le
don tracent le destin de chacun
et ne leur laissent pas le choix d’y
échapper. Comme le dit la narratrice: «c’est le don qui veut ça».
Un arbre généalogique sommaire,
ainsi que des références à des personnages des précédents romans
de l’auteure rendent toutefois le
récit opaque à certains endroits.
L’originalité du propos vient
rehausser le niveau de l’écriture
qui manque de rythme par moment. Le récit finit par s’enliser
dans de nombreuses répétitions,
qui, malgré une thématique appétissante, laissent le lecteur sur
sa faim. x
mais oui, vous connaissez) plus tôt
cette saison. Sa vision, on-ne-peutplus originale, sous-tendait d’abord
ceci: que savent-ils de plus que les
autres? De quel droit émettre des
jugements? Suivant cette logique,
il faudrait que toute intervention
commence en rappelant à l’auditoire la subjectivité des locuteurs.
Tant qu’à faire, moi je rajouterais
les dépêches de presse, les articles
de journaux, les essais, les monographies, en général tout ce qui
s’imprime. Il faudrait aussi, j’aimerais beaucoup, qu’on établisse une
liste des faits qui ne sont pas des
opinions (l’alcoolisme de Dollard
des Ormeaux, et autres faits historiques irréfutables) mais que tout le
reste soit précédé de «Ce n’est que
mon humble opinion, mais…». Ou
on pourrait rendre obligatoire un
cours «subjectivité et objectivité» en
cinquième secondaire. Ou encore
cesser de prendre les gens pour des
imbéciles pour ménager la sensibilité d’artistes à la carrière internationale et prospère.
(Je ne vous aurais pas laissé
sans un dernier coup de gueule un
peu trop agressif.)
Voilà donc. Qui eût cru que
Roch Voisine eût été mon dernier
sujet? Encore une chronique qui
n’a pas tourné comme prévu. Il y
aurait eu tant à dire sur les mots, le
combat constant que de les utiliser
à bon escient, l’espoir naïf d’y parvenir. Mais l’aurais-je pu? Ça prendrait une vie, j’imagine. x
C
Gracieuseté des éditions Delcourt
… pour décliner l’amour des
corps féminins
Cet œil amoureux, c’est
celui qui observe et dessine les
corps. Des femmes, surtout,
mais des hommes aussi. Avec un
talent et une aisance tels qu’il
serait difficile de ne pas prendre
au pied de la lettre ce que confie
Louis: «Et t’sais, pour moi, dessiner une femme, c’est déguster une crème brûlée. Dessiner
un homme, c’est remplir un
formulaire.» La fascination du
dessinateur pour ces femmes
réalistes au corps généreux et
d’une sensualité sans limites est
présente à chaque page de cette
histoire, qui met en scène le désir de façon originale et unique.
Décliné au quotidien, fantasmé, rêvé ou réel, le désir, selon
Jimmy Beaulieu, est loin d’être
glauque: bien au contraire, il
est mis en scène dans des bulles
aérées d’où ressort une sexualité
douce, tendre, fantaisiste, réelle.
Sorte d’ode à la volupté et à
la sensualité, mélange habile et
délicieux de différentes techniques de dessins, festival joyeux
de couleurs chaleureuses et
séduisantes, Comédie sentimentale
pronographique est un chef d’œuvre, tout simplement. À savourer
sans modération. x
CHRONIQUE
L’orgueil blessé
Rosalie Dion-Picard | Tant qu’il y aura des livres
En commençant cette
ultime chronique, je combats désespérément la tentation du bilan
larmoyant, nostalgique avant la fin.
Certainement, je suis fière –à tort–
14
Arts & Culture
de passages illisibles, et vaguement
honteuse de quelques drôleries probablement sympathiques. J’ai rabâché plus souvent qu’à mon tour le
sort des incompris, et celui des
poseurs qui ne sont pas toujours
ceux qu’on pense, je n’ai pas pu
m’empêcher de commenter la vie
tumultueuse et généralement comique du bien petit monde de la jeune
vingtaine universitaire. J’ai glissé en
passant –souvent à la troisième personne, chacun a sa pudeur– le souci
d’être compris, la crainte de n’être
pas lu, le désir enfoui de n’avoir
jamais à parler de ses écrits, mais
sans passer inaperçu. Ai-je su dire,
seulement une fois, quelque chose
de vrai, ai-je pu toucher à l’essentiel? Peut-être pas, probablement
pas, mais bon, je vous jure que j’ai
essayé, à tout le moins, de vous
fournir une lecture avec un peu de
chair autour de l’os.
Quelques interprétations de
style libre ont amené, j’espère, un
éclairage tout personnel, à défaut
d’être édifiant, sur des œuvres qui
ont croisé mes préoccupations.
(Après, si on n’aime pas la personnalité de l’éclairagiste, l’intérêt est
limité, quoique j’adore lire Josée
Legault, question de stocker des
munitions.) Bref, je crois à l’importance de lire des opinions et de
comprendre leur mécanique, aussi
fautive qu’elle puisse paraître. Notre
Roch Voisine exprimait un point
de vue différent aux Enfants de la
télé (le Dollaraclip radio-canadien,
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
THÉÂTRE
Complètement Lorraine
Lorraine Pintal offre une performance
remarquable dans Madame Louis 14.
François Laplante Delagrave
Mai Anh Tran-Ho
Le Délit
A
vec Madame Louis 14, cette
pièce qu’elle a écrite et mise
en scène, et dans laquelle
elle est la seule interprète, Lorraine
Pintal raconte l’histoire incroyable
de Françoise d’Aubigné et de son
ascension au pouvoir.
Dans la peau de celle qui
conquerra le cœur du Roi Soleil,
la soliste partage ses mémoires
empreints de rires et d’amertume.
Elle nous entretient de la haute
société, de l’atmosphère à la cour
et de ses relations amoureuses
–l’amour dépourvu de désir charnel avec le poète Scarron, de vingtcinq ans son aîné, l’amour adoratif
pour Ninon Lenclos, et le grand
amour partagé avec Louis XIV. À
travers ce discours qu’elle adresse directement aux spectateurs,
Françoise d’Aubigné raconte surtout comment elle, une femme, ce
«sexe faible», est parvenue, suite à
sa gouvernance des bâtards du roi,
à s’immiscer au sein du pouvoir, à
exiger que les jeunes filles soient,
elles aussi, éduquées et à fonder le
Couvent Saint-Cyr.
Inspirée d’extraits de biographies, de correspondances et
de nombreux écrits de l’époque,
la pièce Madame Louis 14 dresse
un portrait exceptionnel de celle
qui reprit le titre de marquise de
Maintenon. Une femme qui, par
sa beauté et sa personnalité, a su
briller au sein de la cour, mais qui
n’était cependant pas à l’abri de
l’injustice ni de la réprobation sociales –on aimait peu qu’une femme, épousée dans le secret, exerce
tant d’influence sur le roi– ni d’une
foi chancelante face à la mort.
L’espace de jeu est surplombé,
à l’arrière et en angle, d’un grand
mur composé de miroirs qui renvoient une image légèrement difforme de la vieille marquise. La
scène, plutôt dépouillée, est occupée par une chaise d’époque, un
tapis –qui n’est déroulé que lorsque Françoise d’Aubigné raconte
son entrée à la cour du roi et que
le visage de Louis XIV y est projeté, comme une tapisserie– et trois
objets-instruments, les «synchronos».
Créé par Philippe Ménard, le
«synchronos» permet à la musique
programmée d’être activée sous
le mouvement des doigts de la
comédienne. Cette recomposition
musicale et sonore par SimonPierre Gourd, avec ses sons de
clavecin et de flûte, évoque bien le
XVIIe siècle, mais s’insère un peu
maladroitement dans le dialogue
entre la comédienne et le public.
Minuscules ruptures, ces jeux de
doigts donne à la courtisane l’allure d’une diseuse de bonne aventure.
Heureusement, celle qui a
entrepris toute seule cette œuvre il
y a vingt-trois ans et qui l’a reprise
cette année est poignante par la
justesse de son jeu. À travers les
douze tableaux intitulés «jardins»,
elle retrace le parcours méconnu
de la marquise de Maintenon,
une histoire cachée de l’Histoire,
et donne voix à une femme étonnante.
Pour illustrer le pouvoir invraisemblable qu’a eu Françoise
d’Aubigné sur la cour du roi de
France, Lorraine Pintal a pris le
plein contrôle de la scène, pour
le meilleur et le pire, mais surtout
pour le meilleur. Une performance
à voir. x
Retrouvez l’entrevue avec Lorraine
Pintal dans l’édition du 1er mars 2011.
Madame Louis 14
Où: Théâtre du Rideau Vert
4664 rue St-Denis
Quand: jusqu’au 30 avril
Combien: 30$
THÉÂTRE
L’exubérant dégel
Justin Laramée présente Transmissions, une pièce éclatée sur le leg, lauréate du prix Gratien-Gélinas 2008.
Émilie Bombardier
Le Délit
C
’est un drôle d’objet théâtral que Justin Laramée
concocte avec Transmissions.
Tragédie sur le deuil et le leg, drame dressant un sombre portrait
de la famille moderne, comédie
sur l’absurdité de l’humain, de
son existence: aucune expression ne semble pouvoir mettre en
mots cette pièce où des animaux
morts s’animent pour dévoiler des
secrets, où un bébé partage une
cigarette avec son père tout en lui
adressant des conseils, où la vie des
personnages bascule par des événements plus qu’anodins.
Un «thriller printanier», c’est
le nom qu’on lui donne. Et pour
cause, la dernière œuvre de la
compagnie Qui Va Là, lauréate
d’un prix Gratien-Gélinas, évoque
tout ce qui refait surface après le
gel, tout ce que l’on déterre après
l’oubli. Pourtant, à force de trop
déterrer, l’intention première de la
recherche se perd. Dans son ambition totalisante, le récit s’éparpille,
éclate et agace, laissant toutefois le
spectateur devant des scènes belles, mais sans véritable cohérence.
Après avoir vendu leur chalet
à un vieux couple anglophone, la
famille Beauchemin se retrouve
pour une dernière fois en ces
lieux que tous regrettent un peu
de quitter. Ils célèbreront les six
mois d’Alphonse, l’enfant de Fred
(Maxime Denommée) et Camille
(Émilie Gilbert), jeune couple
éreinté par son quotidien. Audelà de ce prétexte que plusieurs
jugent ridicule, tous sont cependant venus chercher, intentionnellement ou à leur insu, quelque
chose qu’ils avaient écarté, enfoui,
ignoré.
Le seul fils des Beauchemin,
Gabriel, en creusant un trou pour
enterrer sa chienne qu’il a retrouvée morte, apprend que ses parents
ont en fait abattu tous les chiens
qu’il croyait avoir perdu enfant.
Diane (Monia Chokri), sa sœur,
découvre que sa copine mourante,
Rosa, l’a envoyée au chalet pour
déterrer des lettres d’amour qu’elles avaient cachées dans la forêt
afin de les lui entendre lire une
dernière fois, par téléphone, avant
qu’elle ne profite de son absence
pour s’enlever la vie. Puis voilà que
Camille, voulant protéger son bébé
en tirant une oie à la carabine, tue
accidentellement son père, Éric
(Roger Léger), seul personnage
qui maintenait l’équilibre du clan,
et rendait possible toute forme de
xle délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com
Justin Laramée
leg. Le vide qu’il laisse se remplit
alors de révélations abracadabrantes, de scènes aussi surréelles que
dramatiques, et de la névrose de
Camille, personnage qui implose
littéralement jusqu’à devenir une
insupportable caricature.
Transmissions ne donne pas de
réponse aux énigmes qu’elle pose,
ce qui est lassant, considérant la
quantité faramineuse de scènes
nébuleuses et de réactions inexpliquées qu’elle lance au visage
du spectateur. Si ce qu’elle relate
ne peut donc être apprécié à part
entière, la pièce charme toutefois
par ses dialogues simples mais
polyphoniques, par ses touches
d’humour brillantes, par sa scénographie irréprochable et, surtout,
par la distribution qui la porte,
faisant la plupart du temps preuve
d’une retenue qui se marie très
bien à l’exubérance de l’œuvre.
Certainement intéressant et
assez fascinant, ce thriller printanier, quoique trop chargé, laisse
entrevoir le grand talent de Justin
Laramée. Si le dramaturge et metteur en scène opte pour un certain
dépouillement tout en maintenant
la folie qui teinte son écriture, il
ne fait nul doute que sa prochaine
pièce saura se tailler une place de
choix dans la saison théâtrale. x
Transmissions
Où: Aux Écuries
7285 rue Chabot
Quand: jusqu’au 16 avril
Combien: 15$
Arts & Culture
15
CINÉMA
Tragédie d’une femme, bêtise humaine
Après l’immense succès de La Graine et le Mulet
(2007), Abdellatif Kechiche revient avec un film
historique.
Sabrina Ait Akil
Le Délit
L
e réalisateur franco-tunisien Abdellatif
Kechiche présente Vénus noire, avec
l’actrice cubaine Yahima Torres. Ce
film d’époque dresse le portrait de la célèbre Saartje Baartman, véritable bête de foire
du XIXe siècle. Esclave, elle fut emmenée
en Europe par l’afrikaner Hendrick Caezar
(Andre Jacobs) qui exploita sa morphologie
hors du commun. La particularité du corps
de cette femme, issue de la tribu Khoikhoi
d’Afrique du Sud, représentait une véritable
veine d’or. En effet, son fessier très développé
attirait des hordes de spectateurs.
L’histoire commence à Londres au
début des années 1800. Tout est sombre et
sale. On sent dès la première scène un poids
insupportable encombrer le spectateur. Le
premier contact avec la Vénus noire se fait
dans une cage, avant qu’elle n’entre en scène.
Elle devait incarner devant des foules immenses le stéréotype de la femme sauvage
d’Afrique. Avec les instructions de son
maître, elle exécutait des danses langoureuses, elle attaquait les spectateurs, mais
le plus troublant est qu’elle devait se laisser
toucher le corps, histoire d’authentifier son
fessier disproportionné.
On regrette les images violentes de spectateurs londoniens soûls et avides de chair
sauvage. On remarque d’ores et déjà l’agacement de Saartjie, qui n’apprécie pas la violence des gestes des spectateurs à son égard. Elle
proteste, mais paradoxalement, elle semble
sombrer dans un mutisme inexplicable. Après
Londres, la troupe se rend à Paris, où l’accueil
réservé à la Vénus noire est monumental. Elle
fait fureur dans les soirées huppées des beaux
quartiers, jusqu’au jour où son intégrité est
subitement bafouée. Alors, sa nonchalance se
transforme en une virulente protestation qui
la mène dans les abysses de la prostitution.
Gracieuseté de MK2 distribution
Abdellatif Kechiche a su raconter une
histoire qui semble simple et manichéenne,
mais qui, en fait, explore la personnalité
compliquée de Saartje en laissant planer un
doute quant à ses réelles ambitions. On y découvre les multiples facettes de cette femme
dont les organes génitaux ont fini au Musée
de l’Homme à Paris. Il faut souligner l’immense travail de Yahima Torres, découverte
par Kechiche dans un quartier parisien. Les
scènes d’extrême nudité sont si poignantes
qu’on ne peut passer outre le travail d’actrice
de Torres. Son jeu est impeccable et crédible, et elle a su rendre à la Vénus hottentote
son humanité. Kechiche a mis l’accent sur la
perversité des personnages entourant Sarah
Baartman, qui a succombé à une vie de débauche et de violence. On peut reprocher à la
réalisation les longueurs de la première partie
du film, qui cassent le rythme du départ, mais
qui sont vite éclipsées dans la deuxième partie, où l’on s’attache naturellement à Saartje.
La conclusion du film fait la lumière
sur l’étrange destin de la Vénus hottentote.
Un court extrait documentaire a souligné le
retour de la dépouille de Saartje Baartman
en Afrique du Sud, où elle a pu recevoir une
sépulture digne. x
par Raphaël Thézé
La bd de la semaine
16
Arts & Culture
x le délit · le mardi 5 avril 2011 · delitfrancais.com

Benzer belgeler

M - Collections

M - Collections lieu qu’il faut encourager, car il permet aux étudiants de vivre une expérience agréable après une dure journée d’examen… et sécuritaire tout à la fois.» Par contre, il met un bémol à l’enthousiasm...

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la maison de rêve les ailes de la mode

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