الــمـمــلــكــــــــة المــغــربـــيـــــــــــة

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الــمـمــلــكــــــــة المــغــربـــيـــــــــــة
Royaume du Maroc
‫الــمـمــلــكــــــــة المــغــربـــيـــــــــــة‬
Ministère Délégué auprès du
Ministre de l'Industrie, du Commerce,
de l'Investissement et de l'Economie
Numérique
Chargé du Commerce
extérieur
‫الــــوزارة المـــنـــتـــدبـــة لـــدى وزير‬
‫واإلسـتـثـمـــار‬
‫التـجـــارة‬
‫الصـــنــاعـــة‬
‫واإلقـتـصـــاد الرقـمـــــــــي‬
‫المـكـلـفـة بالـتـجـارة الخـارجـيــــــة‬
Direction de la Politique des Echanges Commerciaux
Rapport final de l’enquête antidumping sur les importations de tôles d’acier
laminées à chaud originaires de l’Union Européenne et de la Turquie
Détermination finale de l’existence du dumping,
du dommage et du lien de causalité
1. PROCEDURE
1.1. OUVERTURE DE L’ENQUETE
1. Le Ministère délégué auprès du Ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de
l’Economie Numérique chargé du Commerce Extérieur (MDCCE) a initié, le 21 janvier 2013 par un avis
public1 (ci-après dénommé « avis d’ouverture »), une enquête antidumping concernant les
importations de tôles d’acier laminées à chaud originaires de l’Union Européenne et de la Turquie, et
ce après avis de la Commission de Surveillance des Importations réunie le 09 janvier 2013 tel que
prévu par les dispositions de l’article 4 de la loi 15-09 relative aux mesures de défense commerciale
(ci-après dénommée Loi 15-09)
2. Cette enquête a été initiée, conformément aux dispositions de l’article 16 de la loi 15-09, suite à la
réception, en date du 20 novembre 2012, d’une requête émanant de la Société MAGHREB STEEL.
3. Le MDCCE a procédé à l’examen de la cohérence et de l’adéquation des renseignements contenus
dans la requête, et ce conformément aux dispositions de l’article 24 du décret 2-12-645 du 27
décembre 2012 pris pour l’application de la loi 15-09 relative aux mesures de défense commerciale
(ci-après dénommé décret 2-12-645). Il a été ainsi conclu que les éléments de preuve présentés dans
cette requête sur l’existence du dumping des importations de tôles d’acier laminées à chaud
originaires de l’Union Européenne et de la Turquie et du dommage causé à MAGHREB STEEL par ces
importations sont suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête antidumping 2.
4. Parallèlement à l’ouverture de l’enquête, le MDCCE a soumis à compter du 16 janvier 2013 par la
décision n° 01/133 du Ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies,
1
Il s’agit de l’avis public n°01/13 relatif à l’ouverture d’une enquête antidumping sur les importations des tôles d'acier
laminées à chaud originaires de l'Union Européenne et de la Turquie publié au quotidien « Le Matin » édition n° 14 946 du
01/02/ 2013.
2
Le rapport d’ouverture d’enquête est publié sur le site web du MDCCE : http://www.maroc-trade.gov.ma (rubrique
Mesures de Défense Commerciale)
3
La décision a fait l’objet d’une publication par l’avis aux importateurs n° 02/13
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conformément à la réglementation en vigueur, les importations de tôles d’acier laminées à chaud en
provenance de l’Union européenne et la Turquie à une procédure de surveillance des importations
pour une durée de neuf mois.
5. Le 16 octobre 2013, cette procédure de surveillance a été reconduite par la décision n° 04/134 du
Ministre de l’Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies.
1.2. INFORMATION ET COLLABORATION DES PARTIES INTERESSEES
6. Par l’avis d’ouverture et conformément aux dispositions de l’article 17 de la loi 15-09, Le MDCCE a
informé les parties intéressées de l’ouverture de ladite enquête et leur a donné la possibilité de faire
connaître leurs points de vue par écrit et de demander à participer à l’enquête dans les délais prévus
par l’avis.
7. Ainsi, le MDCCE a officiellement informé la Délégation de la Commission Européenne à Rabat, la
Turquie via sa représentation diplomatique à Rabat, les producteurs connus en Union Européenne de
tôles d’acier laminées à chaud exportées vers le Maroc (ARCELOR MITTAL, TATA STEEL, EVRAZ,
ARVEDI SPA et DUFERCO et ses filiales), les producteurs connus en Turquie de tôles d’acier laminées
à chaud exportées vers le Maroc (ERDEMIR et COLAKOGLU), les importateurs au Maroc de tôles
d’acier laminées à chaud tels que identifiés par la requête (ARCELOR SERV, COMAPROM, TOUFER,
BATIFER, SOFAFER, ETAF, TUBE ET PROFIL, AIC METALLURGIE, SOMACHAME, INTRAL INDUSTRIES,
LONGOFER, D.L.M. et OCID METAL) et le producteur national de tôles d’acier laminées à chaud
(MAGHREB STEEL).
8. De même, afin de collecter les renseignements nécessaires à l’enquête, le MDCCE a adressé aux
différentes parties intéressées les questionnaires d’enquête, conformément aux dispositions de
l’article 20 de la loi 15-09 en leur ménageant des délais suffisants pour transmettre leur réponse.
9. Le MDCCE a répondu favorablement à toutes les demandes de prorogation du délai de réponse
au questionnaire émanant des parties intéressées.
1.3. PERIODE DE L’ENQUETE
10. La période de l’enquête sur le dumping s’étend du 1erjanvier 2012 au 31 décembre 2012.
11. La période prise en compte pour l’analyse du dommage subi par la branche de production
nationale s’étend du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012.
1.4. DETERMINATION PRELIMINAIRE
12. Sur la base des réponses des différentes parties intéressées aux questionnaires d’enquête, le
MDCCE a établi une détermination préliminaire positive sur l’existence du dumping, du dommage et
du lien de causalité et ce, conformément aux dispositions des articles 22 et 23 de la loi 15-09. Les
résultats de cette détermination préliminaire ont été examinés par la Commission de Surveillance des
Importations au cours de ses réunions tenues les 26 septembre et 4 octobre 2013.
13. L’avis public n° 12/13 portant sur les résultats de la détermination préliminaire a été notifié à
toutes les parties intéressées connues dans le cadre de la présente enquête et publié avec le rapport
sur les résultats provisoires de l’enquête (rapport provisoire) en date du 30 octobre 2013 sur le site
web du MDCCE et dans deux journaux5 habilités à recevoir les annonces légales. Par cet avis, le
MDCCE a donné aux différentes parties intéressées la possibilité de présenter leurs remarques,
commentaires ou tout complément d’information dans le délai qui a été prévu à cet effet.
4
La décision a fait l’objet d’une publication par l’avis aux importateurs n° 11/13
Il s’agit des quotidiens LE MATIN (édition n° 15171 du 4 novembre 2013) et AL BAYANE (édition n° 11816 du 8 novembre
2013).
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14. Ainsi, suite à la publication des résultats préliminaires de l’enquête, le MDCCE a reçu des
commentaires de la part de plusieurs parties intéressées dans l’enquête dont notamment le
producteur national, les importateurs et exportateurs étrangers du produit objet de l’enquête vers le
Maroc ainsi que de la part de la Commission Européenne et le Gouvernement de Turquie.
15. Par ailleurs, d’autres parties, non déclarées en tant que parties intéressées dans le cadre de cette
enquête, ont également soumis des commentaires et observations.
16. Sur leur demande, le MDCCE a tenu des réunions avec certaines parties au cours desquelles ces
dernières ont présenté oralement des explications supplémentaires aux commentaires transmis suite
à la détermination préliminaire ou demandé à avoir des éclaircissements sur certaines conclusions
provisoires du MDCCE.
17. En date du 14 novembre 2013, par l’arrêté conjoint du Ministre de l’Industrie, du Commerce, de
l’Investissement et de l’Economie Numérique et du Ministre de l’Economie et des Finances n° 298613 du 29 octobre 20136, les importations de tôles d’aciers laminées à chaud ont été soumises aux
droits antidumping provisoires pour une durée de six mois et ce, conformément aux dispositions de
la loi 15-09 et son décret d’application n° 2-12-645. Le niveau de ces droits s’établit comme suit :
Tableau n° 01 : Droits antidumping provisoires
Exportateur
ARCELOR MITTAL
TATA STEEL
STEEL LINK
COLAKOGLU
ERDEMIR
Autres exportateurs
Origine
Union Européenne
Union Européenne
Union Européenne
Turquie
Turquie
Union Européenne ou Turquie
Droit antidumping
provisoire
29.12%
22.11%
22.11%
0%
0%
29.12%
1.5. AUDITION PUBLIQUE
18. Le MDCCE a organisé le 4 février 2014 une audition publique à laquelle ont été invitées à
participer toutes les parties intéressées dans la présente enquête, privées et gouvernementales, et
celles ayant exprimé le souhait de prendre part à cette audition en tant que parties observatrices. Les
communiqués relatifs à l’audition publique ont été publiés sur le site web du MDCCE en date du 18 et
30 décembre 2013 et transmis pour information aux différentes parties.
19. Les parties ayant un intérêt substantiel dans la présente enquête ont transmis par écrit au
MDCCE l’essentiel de leurs interventions effectuées au cours de ladite audition publique.
1.6. VISITE DE VERIFICATION
20. Conformément aux dispositions prévues par la loi 15-09 et le décret 2-12-645, le MDCCE a
effectué une visite sur place auprès des entreprises turques7 ayant participé à l’enquête et ce, pour
vérifier les données et informations fournies dans le cadre de la présente enquête. Les rapports de
vérification établis par le MDCCE ont été transmis aux deux sociétés qui ont été invitées à formuler et
faire parvenir leurs commentaires et remarques dans un délai de 7 jours à compter de la date de
6
L’arrêté a été publié au Bulletin Officiel n° 6204 du 14 novembre 2013 (version arabe) et 6206 du 21 novembre 2014
(version française).
7
Il s’agit d’ERDEMIR GROUP et COLAKOGLU METALURJI.
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réception du rapport et ce, conformément aux dispositions prévues par l’article 57 du décret 2-12645.
21. De même et conformément aux dispositions édictées par l’article 81 de la loi 15-09, le MDCCE a
effectué une mission d’investigation auprès d’une institution publique en vue de vérifier certaines
données nécessaires à l’établissement de ses conclusions finales.
2. PRODUIT OBJET DE L’ENQUETE ET PRODUIT SIMILAIRE
2.1 PRODUIT OBJET DE L’ENQUETE
22. Les produits concernés par l’enquête sont les produits plats (tôles) en acier laminés à chaud, non
plaqués ni revêtus, d’une épaisseur inférieure à 20 mm pour les produits enroulés (bobines) et
supérieure à 5 mm pour les produits non enroulés (tôles fortes), originaires des pays de l’Union
Européenne (UE) et de la Turquie, à l’exclusion de ceux présentant des motifs en relief.
23. Ces produits sont classés sous les nomenclatures douanières du système harmonisé SH
suivantes : 7208 (à l’exception du 7208.10 et 7208.40), 7211.13, 7211.14 et 7211.19.
24. Aucun commentaire n’ayant été formulé, le MDCCE considère que la définition du produit objet
de l’enquête au titre du rapport provisoire est confirmée.
2.2 PRODUIT SIMILAIRE
25. Il a été évoqué dans les commentaires soumis par des parties intéressées par la présente
enquête, notamment le producteur-exportateur ARCELOR MITTAL et certains utilisateurs des tôles
objets de l’enquête, que certains types de tôles d’acier laminées à chaud ne sont pas ou ne peuvent
être fabriqués localement. De ce fait, ils ont demandé l’exclusion de ces types de tôles du champ
d’application de la présente enquête.
26. Suite à l’examen de ces demandes, il a été constaté que d’une part, certains types de tôles
étaient déclarés à tort sous les positions tarifaires couvertes par le champ d’application de l’enquête ;
et d’autre part, d’autres types de tôles, utilisés dans le secteur de la construction navale, n’étaient
pas produits localement à cause des conditions spéciales de leur fabrication.
27. Pour le reste des demandes d’exclusion de produits, il a été constaté que le producteur local a
fabriqué et vendu au cours de la période de l’enquête lesdits produits ou le cas échéant des produits
similaires qui peuvent servir aux utilisations escomptées.
28. Compte tenu de ce qui précède, il est considéré que les commentaires relatifs aux demandes
d’exclusion de produits du champ d’application de la mesure ne sont pas justifiés. En conséquence et
à l’exception des tôles destinées à la construction navale, le MDCCE ne prévoit pas d’autres
exclusions de produits dans le cadre de la présente enquête.
29. En absence d’autres commentaires, les conclusions sur la similarité au niveau du rapport
provisoire sont confirmées en excluant les tôles destinées à la construction navale dont le volume
d’importation au cours de la période d’enquête est estimé à 1000 tonnes.
3. INDUSTRIE NATIONALE (BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE)
30. En absence de commentaires relatifs à la définition de la branche de production nationale, les
conclusions établies dans le rapport final sont maintenues.
4. DETERMINATION DE L’EXISTENCE DU DUMPING
4.1. DETERMINATION DU PRIX D’EXPORTATION
31. Le producteur TATA STEEL et l’exportateur STEEL LINK ont fait valoir qu’il était incorrect et
inapproprié d’utiliser, comme base de calcul pour le prix d’exportation, le prix départ usine facturé
par TATA STEEL à STEEL LINK plutôt que le prix d’exportation réel sur le marché marocain tel que
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facturé effectivement par STEEL LINK à ses clients au Maroc. Ils ont soutenu que de cette manière le
bénéfice réalisé par STEEL LINK sur ses ventes au Maroc est ignoré de manière erronée ce qui a pour
effet la détermination d’un prix d’exportation artificiellement bas.
32. Par rapport à ce point, il y a lieu de préciser qu’aux fins de l’évaluation du dumping et
conformément aux dispositions de l’article 9 de la loi 15-09, la comparaison entre le prix
d’exportation et la valeur normale doit être équitable. La comparaison équitable est faite au même
niveau commercial qui est le niveau sortie usine et pour des ventes effectuées à des dates aussi
voisines que possible. Partant de ce principe, le MDCCE a considéré qu’il est approprié de se baser,
pour l’évaluation du prix d’exportation, sur le prix de vente de TATA STEEL à STEEL LINK rendu au
stade « sortie usine », d’autant plus que TATA STEEL a indiqué dans les éléments d’informations
transmis au MDCCE, qu’en vue de pouvoir respecter les réglementations et dispositions à
l’importation prévues par les pays destinataires des produits qu’il fabrique, il est tenu de connaître à
l’avance la destination finale des produits qu’il vend à STEEL LINK, ce qui est valable pour les tôles
destinées au Maroc au cours de la période d’enquête.
33. Le MDCCE considère qu’en agissant de la sorte, il s’est parfaitement conformé aux dispositions
prévues par l’article 8 du décret 2-12-645 qui stipule que « […..], la comparaison équitable entre le
prix à l’exportation et la valeur normale, visée au […..], est faite au même niveau commercial qui est
de préférence le stade sortie usine […..]». Partant du principe que le dumping est défini comme étant
une discrimination du prix pratiquée par le producteur étranger à l’égard du pays importateur de son
produit et du moment que le MDCCE dispose déjà du prix d’exportation sortie usine de TATA STEEL, il
a été décidé de ne pas se baser sur le prix de vente de STEEL LINK vers le Maroc et d’utiliser, pour les
besoins de la détermination du prix d’exportation, le prix de vente de TATA STEEL à STEEL LINK au
stade sortie usine.
34. Compte tenu de ce qui précède, il est considéré que le commentaire relatif au prix d’exportation
n’est pas de nature à invalider la méthodologie du MDCCE concernant l’établissement du prix
d’exportation. En conséquence, les conclusions de la détermination préliminaire sur le prix
d’exportation pour ce producteur étranger sont confirmées.
4.2 DETERMINATION DE LA VALEUR NORMALE
35. Dans ses commentaires suite aux résultats préliminaires de l’enquête, TATA STEEL a fait valoir
que, dans son calcul de la valeur normale pour un bon nombre de références, le MDCCE a
systématiquement utilisé la valeur normale construite au lieu du prix de vente du produit similaire
sur le marché domestique. Il a indiqué que, dès lors que le premier produit similaire pris en
considération ne répondait pas au critère de ventes au cours d’opérations commerciales normales, la
valeur normale aurait dû être fondée sur le prix de vente domestique d’un autre produit similaire et
non sur la base de la valeur construite.
36. Il convient de noter à cet égard que, conformément aux dispositions de l’article 8 de la loi 15-09,
le MDCCE a procédé, pour la détermination de la valeur normale, par l’utilisation du prix de vente
réel du produit lorsqu’il est vendu sur le marché domestique au cours d’opérations commerciales
normales. Toutefois, pour les types de produits n’ayant pas été vendus sur le marché domestique ou
au cours d’opérations commerciales normales, la valeur normale a été déterminée sur la base du
produit similaire.
37. Néanmoins, il a été constaté que certains des produits similaires retenus à cette fin étaient
vendus à perte et de ce fait, leurs ventes ne pouvaient constituer une base raisonnable de
détermination de la valeur normale. Ainsi, le MDCCE a jugé qu’il était nécessaire de recourir dans ces
cas à la valeur normale construite.
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38. Par ailleurs, s’agissant du point évoqué sur l’utilisation d’un ''deuxième'' produit similaire au cas
où le ''premier'' n’était pas retenu, il a été considéré que, vu le manque d’informations spécifiques
sur la similarité des produits, le MDCCE n’était pas en mesure de pouvoir choisir un autre produit
similaire quand le premier ne permettait pas de déterminer la valeur normale. D’ailleurs, le MDCCE
s’est basé pour le choix du ''premier'' produit similaire sur les informations fournies par TATA STEEL
et qui permettent de constater les écarts de prix en fonction des dimensions, ce qui a permis d’établir
les ajustements nécessaires sur les prix lorsque le produit similaire est utilisé comme base pour
établir la valeur normale.
39. Pour ces raisons, la méthode de calcul de la valeur normale pour TATA STEEL a été maintenue.
40. ARCELOR MITTAL a également transmis au MDCCE ses commentaires concernant la
méthodologie de calcul de ses valeurs normales. Ces commentaires ont concerné le test de
profitabilité des ventes domestiques et les éléments utilisés pour la construction des valeurs
normales.
41. S’agissant du test de profitabilité, il a contesté la comparaison effectuée par le MDCCE entre les
prix unitaires domestiques ajustés sortie usine et les coûts de production en indiquant que d’une part
le coût de production n’inclut pas les frais de transport et, d’autre part, le prix unitaire ajusté est
ajusté de certains frais qui sont inclus dans le coût de production. Ce qui rend la comparaison
inéquitable.
42. A cet égard, le MDCCE estime que du moment que le prix de vente domestique à prendre en
compte, aux fins de la détermination de la valeur normale, est le prix domestique ajusté, il est
pertinent de baser le test de profitabilité des ventes domestiques sur le même prix, à savoir le prix
ajusté. Par conséquent, le MDCCE ne juge pas approprié de changer la méthodologie utilisée dans la
phase préliminaire de l’enquête pour le test de profitabilité.
43. Concernant l’aspect relatif aux éléments utilisés pour la construction des valeurs normales,
ARCELOR MITTAL a estimé que le MDCCE, à travers son utilisation du fichier sur les coûts de
production sur le marché domestique et d’un profit d’une autre société, n’a pas pu correctement et
raisonnablement construire des valeurs normales pour des produits exportés vers le Maroc.
44. Il a été constaté au cours de l’analyse des informations collectées par le MDCCE au cours de
l’enquête que la situation d’ARCELOR MITTAL a été globalement déficitaire au cours de la période
d’enquête. De même, l’analyse des ventes domestiques a fait ressortir la même tendance indiquant
que la majorité de ces ventes étaient à perte.
45. Ainsi, il a été jugé raisonnablement approprié de se baser sur le profit d’une autre entreprise
comme prévu à l’alinéa b) l’article 6 du décret 2-12-645.
46. En conséquence, le MDCCE maintient sa méthodologie concernant l’utilisation du profit d’une
autre entreprise aux fins du calcul des valeurs normales construites.
4.3 COMPARAISON
47. ARCELOR MITTAL a également indiqué que certains ajustements n’ont pas été pris en compte
pour les valeurs normales construites comme il a été le cas pour les valeurs normales basées sur les
prix de ventes domestiques. Cette allégation a été examinée et il a été constaté qu’effectivement,
des ajustements aux valeurs normales construites devaient être effectués. Les calculs ont été donc
revus en conséquence.
4.4. MARGE DE DUMPING
48. ARCELOR MITTAL a fait valoir, à cet égard, que le MDCCE devait exprimer la marge de dumping
par rapport au prix d’exportation valeur CAF frontière Maroc et non par rapport au prix d’exportation
au stade sortie usine.
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49. Il importe de noter, dans ce cadre, que le MDCCE a procédé au calcul de la marge de dumping
conformément aux dispositions de la loi n°15-09 qui prévoit dans son article 9 que : « la marge de
dumping en pourcentage est obtenue par le rapport entre la marge de dumping en absolu et la
moyenne pondérée des prix d’exportation du produit considéré ». De même, l’alinéa 8 de l’article 5 de
l’Accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le
Commerce de 1994 (Accord Antidumping) stipule que « la marge de dumping sera considérée comme
de minimis si, exprimée en pourcentage du prix à l'exportation, elle est inférieure à 2 pour cent ».
Ainsi, aussi bien la loi nationale que l’Accord Antidumping font référence au prix d’exportation tel
que défini dans ces instruments juridiques : le prix d’exportation est le prix « sortie usine » et non le
prix « CAF ». Par conséquent, le MDCCE estime que sa méthodologie de calcul de la marge de
dumping en pourcentage est en parfaite conformité avec les textes juridiques en la matière.
Cas des exportateurs turcs
50. Dans le cadre de la détermination préliminaire, les résultats de l’enquête basés sur les données
transmises par les producteurs-exportateurs turcs ayant participé à l’enquête, à savoir ERDEMIR
GROUP et COLAKOGLU METALURJI, ont permis d’établir à titre préliminaire l’absence d’exportation
de tôles d’acier laminées à chaud originaires de la Turquie à des prix de dumping.
51. Néanmoins, au cours de la phase préliminaire de l’enquête, un différentiel important d’environ
10 000T a été constaté entre les données des statistiques d’importation8 de tôles, objet de l’enquête,
originaires de la Turquie et les données transmises9 par ERDEMIR GROUP et COLAKOGLU METALURJI.
N’ayant pas pu établir d’explication, à cet égard, au cours de la phase préliminaire de l’enquête, le
MDCCE a soumis les exportations du produit objet de l’enquête originaires de la Turquie effectuées
par « les autres exportateurs10 » au droit résiduel.
52. Au cours de l’audition publique, mentionnée aux paragraphes 18-19 ci-dessus, cet aspect a été
soulevé par l’association représentant les exportateurs turcs de produits en acier (le CIB) qui a attesté
que les exportations en provenance de Turquie vers le Maroc du produit objet de l’enquête ne
dépassent pas les 19 000T, qui représentent les volumes rapportés par ERDEMIR GROUP et
COLAKOGLU METALURJI dans leur réponse au questionnaire d’enquête. Elle a également indiqué
l’existence d’autres entreprises qui produisent les tôles laminées à chaud en Turquie mais a affirmé
qu’elles n’ont pas exporté vers le Maroc au cours de l’année 2012 les produits objets de l’enquête.
Suite à l’audition publique, cette même association a transmis au MDCCE11 des attestations émanant
desdites entreprises justifiant ses propos.
53. Il importe de préciser à cet égard que le MDCCE a saisi12 la société ERDEMIR GROUP lui
demandant des informations sur des traders installés en Turquie. Dans sa réponse13, elle a confirmé
ne pas les connaitre14.
54. En outre, dans le cadre de ses investigations menées au cours de la deuxième phase de
l’enquête, comme mentionné au paragraphe 21 ci-dessus, le MDCCE a pu disposer des données
détaillées des transactions d’importation constituant le différentiel de 10 000T constaté au cours de
la phase initiale de l’enquête.
55. L’examen de ces données détaillées a permis au MDCCE de constater qu’une part importante des
importations constituant le différentiel de 10 000T est originaire d’ERDEMIR GROUP et COLAKOGLU
8
Il s’agit des statistiques officielles de l’Office des Changes
Il s’agit des soumissions d’ERDEMIR GROUP et COLAKOGLU METALURJI datant respectivement du 29 et 22 mars 2013.
10
Il s’agit des exportateurs turcs autres que ceux ayant collaborés à l’enquête
11
Il s’agit de la soumission de ladite association datant du 06 mars 2014.
12
Il s’agit de la correspondance par-email du MDCCE au producteur-exportateur turc datant du 31 décembre 2013.
13
Il s’agit de son complément de réponse transmis en date du 13 janvier 2014.
14
Il a cité : « Regarding other firms (………….), unfortunately we have no information available. ……. . Since they are not our
customers, we are unable to submit any further information. »
9
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METALURJI. Ces transactions ont été réalisées par l’intermédiaire de traders autres que ceux déclarés
par les deux entreprises turques. De même, ces transactions ont été couvertes par des certificats
d’origine attestant qu’il s’agit de tôles produites par ERDEMIR GROUP et COLAKOGLU METALURJI.
56. En conclusion, le MDCCE estime que les entreprises ERDEMIR GROUP et COLAKOGLU METALURJI
n’ont pas fourni, dans leur réponse au questionnaire d’enquête, l’intégralité des transactions
d’exportation réalisées sur le Maroc, ce qui traduit un manque de coopération manifeste de leur part
en dissimulant des données utiles à l’enquête. L’article 24 de la loi 15-09 permet au MDCCE d’établir
ses conclusions sur la base des meilleurs renseignements disponibles en cas de manque de
coopération des exportateurs.
57. A cette fin, l’article 64 du décret 2-12-645 prévoit que les meilleurs renseignements disponibles
peuvent être établis sur la base « (1) des données communiqués par d’autres exportateurs ou
producteurs étrangers, ou importateurs au cours de l’enquête, (2) des données communiquées par la
branche de production nationale dans la requête ayant donné lieu à l’enquête ou communiquées
ultérieurement au cours de l’enquête ou (3) des données d’autres sources indépendantes et objectives
dont le ministère peut en disposer au cours de l’enquête ».
58. Ainsi pour le cas de la Turquie, le MDCCE estime approprié d’attribuer aux producteursexportateurs turcs la marge de dumping figurant dans la requête déposée par le producteur national
et qui était à la base de l’ouverture de la présente enquête. Cette marge est de l’ordre de 11%. Ce
choix est justifié par l’absence d’autres producteurs exportateurs turcs ayant collaboré pleinement à
l’enquête qui peuvent servir de référence pour la détermination d’une marge de dumping pour
ERDEMIR GROUP et COLAKOGLU METALURJI.
59. Au vu de ce qui précède, les marges de dumping définitives s’établissent comme suit :
Tableau n° 02 : Marges antidumping définitives
Exportateur
ARCELOR MITTAL
TATA STEEL
STEEL LINK
Autres exportateurs
COLAKOGLU METALURJI
ERDEMIR GROUP/ISDEMIR
Autres exportateurs
Origine
Union Européenne
Union Européenne
Union Européenne
Union européenne
Turquie
Turquie
Turquie
Marge antidumping définitive
11.06%
22.11%
22.11%
22.11%
11%
11%
11%
4.5 CONCLUSION SUR L’EXISTENCE DU DUMPING
60. Le MDCCE a déterminé, à titre définitif, que les tôles d’acier laminées à chaud originaires de
l’Union européenne et de la Turquie ont été exportées vers le Maroc au cours de la période de
l’enquête à des prix de dumping selon les marges présentées dans le tableau n° 02 du paragraphe 59.
5. DETERMINATION DE L’EXISTENCE D’UN DOMMAGE IMPORTANT
61. L’article 5 de la loi 15-09 définit le dommage comme :
62. « […] 2) dommage : le préjudice important causé à une branche de production nationale, la
menace de préjudice important pour une branche de production nationale ou le retard important
dans la création d’une branche de production nationale. »
63. Dans la présente affaire et sur base des éléments étudiés au cours de l’enquête, la détermination
de l’existence du dommage subi par l’industrie nationale établie par le MDCCE est analysée sur la
base du retard important dans la création d’une branche de production nationale.
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5.1 JUSTIFICATION
DE L’APPLICATION DU TEST DE RETARD IMPORTANT DANS LA CREATION D’UNE BRANCHE DE
PRODUCTION NATIONALE
64. Sur la base d’une argumentation amplement étayée, le MDCCE avait jugé approprié, dans son
rapport préliminaire, de qualifier MAGHREB STEEL d’ « industrie non encore établie » et par
conséquence d’aborder l’analyse du dommage sous l’angle du critère du « retard important »15.
65. Suite à la publication dudit rapport et durant l’audition publique, TATA STEEL, ARCELOR MITTAL
et le CIB ont avancé que le concept du « retard important » ne serait pas juridiquement applicable au
cas d’espèce.
66. Ainsi, TATA STEEL a commenté que le critère de retard a été très rarement appliqué et que son
utilisation dans l’espèce ne peut en aucun cas être justifiée sur la base des précédents législatifs
qu’elle qualifie de désuètes. 16
67. En outre, dans son commentaire sur ledit rapport préliminaire, le CIB considère que l’utilisation
du concept de retard pour des industries engagées dans un processus d’établissement est contraire
au texte de l’article 3 de l’Accord Antidumping dans la mesure où ledit Accord parle de retard
important dans la « création » et non de retard important dans « l’établissement » d’une branche de
la production nationale.17
68. En réponse aux commentaires de TATA STEEL, le MDCCE rappelle que l’application du critère de
dommage en tant que retard important est tout à fait valable à la lumière des articles 3 de l’Accord
Antidumping et 5 de la loi 15-09 étant donné qu’aucune des trois formes contenues dans la définition
de dommage n’a été modifiée ou abrogée.18
69. Pour ce qui est des allégations du CIB précitées, le MDCCE estime que le critère de retard est
applicable non seulement dans le cas où l’industrie n’a pas été créée mais également dans le cas où
l’industrie ne s’est pas encore établie. En effet, et à titre récapitulatif, cette conclusion découle du
texte, du contexte et de l’objectif de cette disposition de l’Accord Antidumping.
70. De plus, la version anglaise de la note de bas de page numéro 9 de l’Accord Antidumping, fait
référence à une « material retardation of the establishment of such an industry » et non à la
« création » d’une industrie.
71. Par ailleurs, le MDCCE rappelle qu’en langue française, le mot « établissement » a deux
significations (1) « Installer, mettre en place » et (2) « Asseoir ; fixer, rendre stable ».19 Ceci justifie
que le retard doit inclure, d’une part, les hypothèses où l’industrie de référence n’a pas entamé sa
production et, d’autre part, le cas où l’industrie en question n’a pas encore atteint une présence
stable sur le marché.
15
« Rapport préliminaire de l’enquête antidumping sur les importations de tôles d’acier laminées à chaud originaires de
l’Union Européenne et de la Turquie », paragraphes 54-92.
16
Cf. Soumission écrite de Tata Steel et de Steel Link, suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013,
page 5.
17
Cf. Soumission écrite du CIB, suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013, page 12.
18
À titre d’exemple, les autorités ont conclu l’existence d’un dommage sous forme de retard important dans les cas
suivants : Imports of fused magnesia from China, Gazette of India (Extraordinary), Part I, Section I, February 1999 ; Para
Hydroxy Phenyl Glycine Methyl Potassium Dane Salt Originating from China PR and Singapore, Gazzete of India
(Extraordinary), Part I, Section I, June 24, 2003 ; Para Hydroxy Phenyl Glycine Base (PHPG Base) from EC, Gazette of India
(Extraordinary), Part I, Section I, Mar 7, 2003 ; Benzyl Paraben from Japan USITC Publication 2355, Inv. Nº 731-TA462 (1991) (final) ; Règlement de la Commission Nº 165/90 du 23 janvier 1990 instituant un droit antidumping provisoire
sur les importations de certains types de microstructures électroniques dites "DRAM" (dynamic random access memories)
originaires du Japon, portant acceptation d'engagements offerts par certains exportateurs dans le cadre de la procédure
antidumping concernant les importations de ces produits et portant clôture de l' enquête en ce qui concerne les
exportateurs en cause DO 1990 (L 20).
19
Cf. Dictionnaire de l’Académie Française.
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72. Ainsi, on parvient à la même conclusion lorsqu’on étudie la doctrine concernant l’étude de la
notion de « retard important » et la pratique internationale. Suivant ladite pratique, ce critère est
d’application dans les cas où une industrie se trouve à un stade « naissant ».20
73. En ce qui concerne l’objectif de la disposition, l’analyse des précédents législatifs du texte du
GATT contenus dans le rapport préliminaire met en évidence que l’objectif de telles normes était
justement de protéger les industries qui s’efforçaient de s’établir pleinement.21
74. Ainsi, une étude approfondie du sens littéral de la disposition, de l’histoire législative et des
interprétations administratives fournies par les autorités internationales compétentes en la matière
de commerce international, met en exergue le fait que ce critère est parfaitement applicable dans le
cadre de la présente enquête.
75. Sur le plan méthodologique, pour déterminer si une industrie naissante a souffert d’un dommage
sous la forme de retard important, il est indispensable de procéder à une double analyse, tel qu’il a
été fait dans le rapport préliminaire du MDCCE. Dans un premier temps, il est à vérifier si l’industrie
en question est oui ou non établie dans le marché national, puis, dans un deuxième temps il faudra
vérifier si cette industrie a subi un dommage sous la forme de retard dans son établissement.
76. Les autorités américaines ont pris en compte une série de critères qui ont été jugés appropriés
par le MDCCE pour apprécier si une industrie est établie ou non22.
77. A cet égard, ARCELOR MITTAL a fait valoir l’impossibilité de transférer le raisonnement utilisé
par les autorités américaines du fait que certaines de ces décisions concluaient, selon le cas, à
l’inexistence du retard ou du dommage.23
78. Cependant, le fait que les autorités américaines n’aient pas conclu dans certains cas qu’une
industrie spécifique soit établie après avoir analysé l’ensemble des facteurs n’empêche pas le MDCCE
d’analyser le cas d’espèce en appliquant la logique employée par lesdites autorités pour vérifier
l’accomplissement de chacun de ces critères (critères temporel, de la part de marché, du seuil de
rentabilité, de la stabilité de la production, et d’une nouvelle industrie).24
79. Conformément à la pratique internationale, le test du retard important est applicable lorsque
l’industrie en question n’a pas encore opéré pendant une période suffisamment longue pour
permettre l’analyse de dommage classique et lorsqu’elle n’a pas atteint un seuil de réussite
minimum.25
20
Cf. Fresh and Chilled Atlantic Salmon from Norway, USITC Publication 2272, Inv. Nº 701-TA-302 et 731-TA-454 (1990)
(preliminary), page 15 : « The fact that there is some domestic production does not preclude the possibility that the
domestic industry may not be « established ». Voir aussi BMT Commodity Corp. v. United States USITC Publication 524,
Inv. Nº 525-26 (1987) confirmée par, 852 F.2d 1285 (Fed. Cir. 1988), rejet de la certification, 489 U.S. 1012 (1989) ; Benzyl
Paraben from Japan USITC Publication 2355, Inv. Nº 731-TA-462 (1991) (final).
21
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 59-63.
22
Cf. Fresh and Chilled Atlantic Salmon from Norway, USITC Publication 2272, Inv. Nº 701-TA-302 et 731-TA-454 (1990)
(preliminary), page 15 : “In cases in which domestic companies have begun production, the Commission has examined
whether domestic producers have “stabilized” their operations. To make this assessment the Commission has considered
several aspects of domestic operations: (1) when domestic industry began production; (2) whether the production has
been steady or start-and-stop; (3) the size of domestic production compared to the size of the domestic market as a whole;
(4) whether the domestic industry has reached a reasonable “break-even” point; (5) whether the activities are truly a new
industry or merely a new product line of an established industry”.
23
Cf. Soumission écrite d’Arcelor Mittal suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014, page 5.
24
De surcroit le MDCCE rappelle que dans les cas suivants les autorités ont apprécié le dommage sous la forme du retard :
Benzyl Paraben from Japan USITC Publication 2355, Inv. Nº 731-TA-462 (1991) (final) Certain Dried Salted Codfish from
Canada USITC Publication 1571 Inv. Nº 731-TA-199 (1985) (final).
25
Cf. Fresh and Chilled Atlantic Salmon from Norway, USITC Publication 2272, Inv. Nº 701-TA-302 et 731-TA-454 (1990)
(preliminary), page 16.
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80. Pour cela, et du fait que les informations fournies par l’industrie nationale ne remontaient pas à
plus d’il y a 30 mois (voire seulement à 8 mois pour certains produits)26, le MDCCE avait considéré
que l’application du test de retard était la méthode la plus pertinente pour procéder à une analyse de
dommage.
81. Cependant, les exportateurs ont prétendu que MAGHREB STEEL ne pourrait pas faire appel à ce
critère. D’une part, TATA STEEL a signalé l’inexistence de bases juridiques permettant de justifier que
le critère de dommage classique soit uniquement applicable dans les cas où des informations
historiques de plus de trois ans seraient disponibles27 et a mis en exergue l’impossibilité d’appliquer
ce critère du fait que MAGHREB STEEL serait réputé être établi depuis 2001, moment auquel il a
débuté ses activités sociétaires28. D’autre part, ARCELOR MITTAL a réfuté l’application du critère
temporel lorsque le produit en question est commercialisé depuis plus de deux ans en faisant appel
au précèdent Lime Oil from Peru29.
82. A cet égard, le MDCCE rétorque que l’analyse du dommage classique exige un examen des
informations historiques sur une période minimale de 3 ans. Cette conclusion n’est pas arbitraire
sinon qu’elle découle de la pratique internationale.30
83. De plus, le critère temporel doit s’appliquer sur la base du temps écoulé entre, d’une part la mise
en œuvre de la commercialisation du produit en question et, d’autre part, la présentation de la
requête (2 ans et 6 mois pour le LAC et 8 mois pour le TF).31 En conséquence, le moment de la
constitution de la société est privé d’importance.
84. Par ailleurs, le MDCCE conteste l’interprétation restrictive du critère temporel fournie par
ARCELOR MITTAL. Concernant le précédent Lime Oil from Peru, le MDCCE rappelle que pour arriver à
la conclusion du non-établissement de l’industrie en question, les autorités américaines avaient fait le
point sur une pluralité des critères et non seulement sur le seul critère temporel. 32 De surcroît, il y a
26
Cf. Rapport préliminaire de l’enquête antidumping sur les importations de tôles d’acier laminés à chaud originaires de
l’Union Européenne et de la Turquie, 30 octobre 2013, paragraphes 72-77.
27
Cf. Soumission écrite de Tata Steel et de Steel Link, suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013,
page 5.
28
Cf. Soumission écrite de Tata Steel et de Steel Link, suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013,
page 5. Voir aussi Soumission écrite de Tata Steel suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février, page 8.
29
Cf. Soumission écrite d’Arcelor Mittal suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013, page 4.
30
Voir dans ce sens la pratique européenne selon laquelle le constat du dommage doit reposer sur informations
historiques d’au moins de quatre ans précédant l’ouverture de l’enquête: Règlement (CE) n° 2398/97 du Conseil du 28
novembre 1997 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de linge de lit en coton originaires d'Égypte,
d'Inde et du Pakistan, DO 1997 L 332, 1. Voir aussi Règlement (CE) Nº 1411/2002 de la Commission du 29 juillet 2002
instituant un droit compensateur provisoire sur les importations de fil continu texturé de polyester originaire de l'Inde,
DO 2002 L205 paragraphes 85 et ss, où un période de 6 années a été jugé convenaient pour vérifier le dommage. Cette
pratique a été confirmé par le propre Cour de Justice de l’UE dans son arrêt du 7 mai 1991 dans l’affaire C-121/86
Anonymos Etaireia Epicheiriseon Metalleftikon Viomichanikon kai Naftiliaekon AE et Autres v. Conseil [1996] ECR II-695
(paragraphe 20).
31
Cf. Rapport préliminaire de l’enquête antidumping sur les importations de tôles d’acier laminés à chaud originaires de
l’Union Européenne et de la Turquie, 30 octobre 2013, paragraphe 73.
32
Cf. Lime Oil from Peru, USITC, Publication 1723, Inv. Nº 303-TA-16 (1985) (preliminary). page 8. Dans le cas d’espèce,
l’autorité américaine considéré que l’industrie est établi sur une base de facteurs et pas seulement en regardant le critère
temporel : « In its post-conference brief, petitioner alleged for the first time that the establishment of the distilled lime oil
industry is materially retarded by reasons of imports from Peru. Because we have defined the domestic industry to include
producers of both cold-pressed and distilled lime oil, and because the lime oil industry (as constrasted to the alleged lime
oil “industry”) has been in existence for many years, we find that the industry is established and not materially retarded.
However, we note that even if we had defined the industry to include producers of only distilled limed oil, we would have
found no reasonable indication of material retardation. Petitioner began production of distilled lime oil over two years
ago, and distilled lime oil sales have sharply increased, and capacity utilization has been at very respectable levels even
though petitioner has greatly expanded his distilled lime oil capacity”.
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aussi des précédents plus récents où les mêmes autorités américaines sont arrivées à des conclusions
opposées à celle en question.33
85. Après avoir examiné la pratique américaine, le MDCCE est d’avis que l’application du critère
temporel doit être analysée au cas par cas, et tenant compte de la nature de l’industrie en question. 34
86. En l’espèce, le démarrage de la production et de la commercialisation d’un produit comme les
tôles en acier laminées à chaud requiert, à n’en point douter, un délai supérieur à deux ans du fait de
la difficulté à maitriser une industrie lourde comme celle du laminage à chaud, ainsi que des coûts
d’entrée considérables et de la taille de l’investissement. De plus, la commercialisation des produits
en acier présente des délais spécifiques liés à la difficulté associée aux négociations commerciales, les
longs délais de livraison, le transport…
87. En ce qui concerne le critère de la part de marché, la pratique américaine stipule qu’il permet de
vérifier si la nouvelle industrie a atteint une part significative du marché national sur une courte
période.35 Néanmoins, cette même pratique a rejeté son application lorsque la part de marché ne
pouvait pas être considérée représentative de la situation réelle du marché en question.36
88. Tant la Commission Européenne que les exportateurs ont à plusieurs reprises invoqué ce critère
afin de démontrer que MAGHREB STEEL est une industrie établie.37 Ainsi, les exportateurs ont signalé
que l’obtention par MAGHREB STEEL d’une position largement dominante sur le marché en l’espace
de seulement de trois ans –près de 70% en incluant sa consommation interne- est difficilement
conciliable avec la notion d’une absence d’établissement.38
89. Cependant, il est à nuancer que la part de marché de MAGHREB STEEL dans le marché libre
(c’est-à-dire, le marché des ventes à des tiers, qui est le seul dans lequel il peut avoir une
concurrence entre la production domestique et les importations) est beaucoup plus limitée. 39
90. A cela s’ajoute que le MDCCE a constaté que MAGHREB STEEL a obtenu la part de marché qu’elle
a grâce uniquement à des ventes à perte. Par conséquent, cette part de marché ne peut pas être
considérée comme révélatrice de la stabilité de l’entreprise dans le cas qui nous concerne.
91. Par conséquence, le MDCCE est dans le droit de rejeter l’utilisation de ce critère dans le cas
d’espèce.
33
Voir dans ce sens: Pressure Sensitive PVC Battery covers from West Germany USITC Publication 2265 Inv. Nº 731-TA-452
(1990) (preliminary), page 12: “While the petitioner began production nearly three years ago, in 1987, and the other
domestic producer Label Resources began production in 1985 or 1986 [five years ago], that fact alone would not
necessarily preclude our application of the material retardation standard. Material retardation may be applied even where
an industry has already begun production if the industry has not yet “stabilized” its operations”.
34
Voir dans ce sens: Certain Dried Salted Codfish from Canada USITC Publication 1571Inv. Nº 731-TA-199 (1984)
(preliminary) page 6: “The establishment of any new industry is so inherently unique that material retardation must
always be examines on a case-by-case basis”. Voir dans le même sens Benzyl Paraben from Japan USITC Publication 2355,
Inv. Nº 731-TA-462 (1991) (final) page 7.
35
Cf. Rapport préliminaire, paragraphe 79.
36
Voir dans ce sens: Benzyl Paraben from Japan USITC Publication 2355, Inv. Nº 731-TA-462 (1991) (final), page 10 :
« While petitioner’s share of the domestic benzyl paraben market has increased dramatically since production began in
1989, the domestic market currently consists of a small number of purchasers. Further, we note that petitioner is supplying
its purchasers out of inventories because it has ceased production of benzyl paraben. For these reasons, we do not believe
that petitioner’s market share is particularly indicative of whether the industry is established”.
37
Cf. Soumission écrite d’Arcelor Mittal (page 5), de Tata Steel et de Steel Link (page 6) suite à la publication du Rapport
préliminaire le 30 octobre 2013. Voir aussi : Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique
tenue à Rabat le 4 février 2014, page 1.
38
Cf. Soumission écrite de Tata Steel suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014, page 9.
39
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 147-149.
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92. Pour ce qui est du critère du seuil de rentabilité, dans son rapport préliminaire, le MDCCE a
soulevé l’importance qu’il détient dans la pratique américaine et pour l’OMC dans l’examen de la
stabilité.40
93. Pourtant, les exportateurs ont contesté la pertinence de ce critère en s’appuyant sur l’affaire de
l’OMC Korea : Antidumping Duties on Imports of Polyacetal Resins from the United States. 41 Dans
cette affaire en question, le Panel avait souligné que le test du seuil de rentabilité ne pouvait pas
servir à justifier une quelconque augmentation des capacités productives.42
94. A ce niveau, le MDCCE souligne que, même si le Panel avait conclu dans ce cas-là que l’approche
des autorités coréennes était trop large, il n’a pas contesté la pertinence du test du seuil de
rentabilité dans l’examen de la stabilité d’une industrie naissante.
95. En ce qui concerne l’application concrète de ce critère, le MDCCE réitère une nouvelle fois que
MAGHREB STEEL est encore loin d’avoir atteint son seuil de rentabilité, chose que les exportateurs
n’ont pas démenti. Ceci pousse le MDCCE à conclure, et conformément à ce critère, que MAGHREB
STEEL ne peut aucunement être qualifié d’industrie établie.
96. Concernant le critère de la stabilité de la production, dans la pratique des autorités américaines,
les changements brusques dans les niveaux de production sont révélateurs du fait qu’une industrie
n’est pas établie.
97. Sur la base de la tendance positive du volume de production de MAGHREB STEEL entre 2010 et
2012, la Commission Européenne soutient que MAGHREB STEEL serait déjà une industrie bel et bien
établie.43
98. Or, la Commission Européenne n’a pas réalisé une analyse plus détaillée prenant en
considération les évolutions mensuelles et annuelles car le tableau avec l’évolution mensuelle déjà
exposé dans le rapport préliminaire met en évidence des changements brusques et importantes dans
les volumes de production de LAC allant jusqu’à 60 % de la production d’un mois à l’autre ainsi
qu’une interruption soudaine de la production au cours du mois de février 201244. On parvient à la
même conclusion par rapport à la production des TF.
99. Sur la base de ces constats, le MDCCE maintient la conclusion que la production de MAGHREB
STEEL n’est pas stabilisée.
100. En examinant le critère d’une nouvelle industrie dans la présente affaire, le MDCCE rappelle
qu’afin de déterminer si une industrie est établie, les autorités internationales distinguent deux cas
de figure : le cas où une industrie historique élargit ses activités à travers l’instauration d’une
nouvelle ligne de production qui s’ajoute aux anciennes, et le cas où l’industrie en question investit
dans la création d’une nouvelle branche.45
40
Cf. Pressure Sensitive PVC Battery Covers from West Germany, USITC Publication 2265, Inv. Nº 731-TA-452 (1990)
(preliminary); Fresh and Chilled Atlantic Salmon from Norway, USITC Publication 2272, Inv. Nº 701-TA-302 et 731-TA-454
(1990) (preliminary); Certain Dried Salted Codfish from Canada USITC Publication 1571 Inv. Nº 731-TA-199 (1985) (final);
Benzyl Paraben from Japan USITC Publication Nº 2355, Inv. Nº 731-TA-462 (1991) (final) .
41
Korea - Anti-Dumping Duties on Imports Of Polyacetal Resins From The United States. Rapport du panel (ADP/92, et
Corr.1*) du 2 avril 1993, 297.
42
Cf. Soumission écrite d’Arcelor Mittal (page 5), de Tata Steel et de Steel Link (page 6) suite à la publication du Rapport
préliminaire le 30 octobre 2013.
43
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 page 5.
44
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 89-92.
45
Cf. Lime Oil from Peru, USITC, Publication 1723, Inv. Nº 303-TA-16 (1985) (preliminary) et aussi Certain all terrain
vehicles from Japan USITC Publication 2163 Investigation Nº 731-TA-388 (1989) (final) page 21 où l’autorité considère que
l’industrie avait simplement établie une nouvelle ligne de production.
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101. Dans ces commentaires, TATA STEEL a avancé à plusieurs reprises que la production des tôles
laminées à chaud constitue seulement une nouvelle ligne de production qui vient s’ajouter à
l’industrie nationale déjà établie.46
102. Cette affirmation est infondée car en revenant à la pratique internationale, le MDCCE retrouve
qu’une « nouvelle branche de l’industrie nationale » est réputée exister lorsque la fabrication d’un
produit similaire est absente dans le marché domestique.47
103. En raison de l’absence de concurrents pour la fabrication d’un produit similaire au Maroc, il en
ressort que le début de la fabrication des tôles laminées à chaud équivaut à la création d’une
nouvelle industrie nationale.
104. On arrive au même constat suite à l’analyse d’autres facteurs considérés comme appropriés par
la doctrine tels que la séparation physique des centres de production, la taille de l’investissement
entrepris, ou les différents réseaux de clients et canaux de distribution.48
105. Aussi, le fait que MAGHREB STEEL destine une partie de sa production à sa propre
consommation ne fait pas obstacle à ce raisonnement, car la moitié de la production reste destinée
au marché libre.
106. En considérant séparément mais également collectivement les conclusions obtenues suite à
l’examen de l’ensemble des critères évoqués ci-dessus, le MDCCE rend définitive sa qualification de
MAGHREB STEEL d’industrie non établie au sens de l’article 3 de l’Accord Antidumping et de l’article 5
de la loi 15-09.
5.2 ANALYSE DU DOMMAGE
107. Etant donné que l’Article 3 de l’Accord Antidumping n’énonce pas de critères spécifiques pour
l’analyse de retard important, les critères retenus dans l’article 13 de la loi 15-09 résulteraient
d’application en l’espèce. En effet, bien que le cycle d’Uruguay des négociations de l’OMC vise une
série supplémentaire de facteurs économiques devant être spécifiquement et particulièrement
appréciés en cas de « menace d’un dommage important », une telle élaboration distincte de facteurs
n’existe pas dans l’application du principe du retard important.
108. Cependant, le MDCCE juge qu’une transposition totale de l’examen de dommage classique aux
cas du retard ne serait pas appropriée eu égard aux spécificités de ce critère.
109. En accord avec cet avis, la doctrine et la pratique internationale, considèrent que certains
facteurs figurant à l’Article 3.1 de l’Accord Antidumping, à savoir, l’augmentation du volume des
importations faisant l’objet d’un dumping et les conséquences des importations sur les produits
nationaux, ne sont pas correctement adaptés à toutes les situations de retard important. En effet,
des informations fiables concernant ces facteurs ne sont disponibles que dans les cas où l’industrie
nationale ayant prétendument subi un dommage a généré une production durant un laps de temps
significatif et est parvenue à stabiliser ses opérations de production.
110. Pour leur part, dans le but de surmonter cet inconvénient, les autorités antidumping
américaines, dans les affaires concernant une industrie naissante, ont obtenu des informations telles
que les ventes réalisées sur le marché national, les ventes perdues, la capacité d’utilisation et les
46
Cf. Soumission écrite de Tata Steel et de Steel Link suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013,
page 5. Voir aussi : Soumission écrite de Tata Steel suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014, page 9.
47
Cf. Pressure-sensitive PVC battery covers from Germany USITC Publication 2265, Inv. Nº 731-TA-452 (1990)
(preliminary) page 13. Voir également la pratique canadienne: Performed Fibreglass Pipe Insulation with a Vapour Barrier,
originating in or exported from the United States of America CITT, Inquiry No NQ-96-002 (1993) page 21; Fresh Garlic
originating in or exported from the People’s Republic of China CITT, Inquiry Nº NQ-96-002 (1997), page 17.
48
Cf. Dong Woo S., "Material retardation standard in the US antidumping law", Law and policy in international business,
Harvard law school, 1992.
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niveaux d’emploi de l’industrie nationale ayant tout juste entamé la production d’un produit
similaire. Ces informations ont ensuite été comparées avec les chiffres proposés dans l’étude de
faisabilité élaborée par l’industrie à l’origine du projet avant le début de la production.
111. De même, comme il a été détaillé dans le rapport préliminaire, la commission américaine du
commerce international (ITC) a examiné la question de savoir si les résultats de l’industrie reflétaient
des conditions normales de démarrage et si l’on avait pris en considération des indicateurs
économiques tels que le volume total des marchandises, les stocks de marchandises et la
performance financière.
112. Ceci-dit, il convient de souligner que l’application du critère du retard n’exempte pas les
autorités de fournir un examen objectif sur la base d’éléments de preuve positifs.
113. Cependant, lors de l’audition publique la Commission Européenne a remis en cause
l’objectivité de l’examen fourni par le MDCCE dans le Rapport préliminaire et a particulièrement
critiqué le fait que l’analyse menée par le MDCCE s’est basée sur un choix sélectif des données,
notamment en ce qui concerne la période d’enquête, l’utilisation des sous-types de produits et
l’exclusion des ventes captives dans l’analyse du dommage.49
114. A cet égard, il convient d’attirer l’attention sur le fait que l’analyse de certains indicateurs de
dommage pour une période plus restreinte que la durée totale de la période de dommage n’est pas
contraire aux normes antidumping lorsque les circonstances le justifient.50
115. En l’absence de données sur l’année 2009, l’analyse de l’évolution des indicateurs économiques
de MAGHREB STEEL sur la période 2010-2012 s’avère donc logique.
116. Aussi, étant donné qu’aucun dommage ne peut être attribué avant le début de la
commercialisation des produits, le MDCCE a jugé préférable de fixer à titre définitif la période 20102012 comme période de dommage.
117. Quant à l’analyse des types de produits, le MDCCE établit ses conclusions sur la totalité des
produits évoquée dans la requête par le producteur national, en s’alignant ainsi sur la pratique de
l’OMC.51
118. Cependant, le MDCCE a procédé à une distinction entre les différents segments de production
quand cela s’est avéré utile pour une meilleure compréhension des données. De plus, cette
distinction s’est imposée du fait que la production des LAC a débuté à un moment différent de celle
des TF, respectivement juin 2010 et mai 2012. Par ailleurs, le poids des différents sous-produits dans
le volume de production et dans le chiffre d’affaires varie significativement.
5.2.1 VOLUME DES IMPORTATIONS FAISANT L’OBJET DU DUMPING
119. En ce qui concerne le volume des importations, le MDCCE avait conclu, dans son rapport
préliminaire, que la majorité des importations marocaines de tôles d’acier laminées à chaud était
originaire de l’Union Européenne et de la Turquie.52
120. Cependant, les exportateurs et la Commission Européenne ont fait valoir la prétendue
inexistence du dommage allégué et cela sur base des données contenues dans ledit rapport
préliminaire,53 en mettant l’accent sur la baisse des importations entre 2010 et 2012.
49
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014, page 2.
Cf. WT/DS184/R of 28.2.2001 USA- Antidumping measures on certain roll-steel products from Japan (paragraphs 7.226
to 7.236).
51
Cf. WT/DS132/R of 28 January 2000 Mexico – Antidumping investigation of high fructuose corn syrup (HFCS) from the
United States (paragraphs 7.143 to 7.162).
52
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 95-102.
53
Cf. Rapport préliminaire, paragraphe 100, tableau n°4.
50
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Non confidentiel
121. Or, encore une fois, les exportateurs se bornent à examiner le dommage sous l’optique du
dommage classique et oublient le caractère spécifique de l’analyse de retard.
122. Il convient donc de souligner que l’analyse du volume des importations peut s’avérer
trompeuse lorsqu’il s’agit de considérer les hypothèses de retard important. Dans ce sens, la doctrine
et la pratique internationale ont signalé qu’un recul du volume des importations est logique
lorsqu’un nouveau concurrent domestique fait son apparition sur le marché. 54
123. Dans le cas présent, après la mise en service de la production de laminage à chaud de
MAGHREB STEEL en 2010, les importations en provenance des pays suspects de dumping ont
augmenté de 17.785 tonnes, soit 9,6%, contrairement à ce qu’on aurait raisonnablement attendu
après l’arrivée d’un nouveau concurrent. Cette hausse a donc empêché les importations en
provenance d’autres origines et la production nationale de profiter de l’augmentation de la demande
nationale de 11% en 2011.
124. Aussi, en comparant le volume des importations en dumping entre 2010 et 2012, il ressort que
celui-ci a diminué de 13%. Cette réduction n’est pas significative en comparaison avec celle subie par
les importations en provenance d’autres origines qui ont baissé de l’ordre de 95% en 2012.
125. Ceci démontre à nouveau que les importations en provenance des pays suspectés de dumping
sont venues à bout des autres importations, leur part dans le volume total des importations étant
passée de 56% en 2010 à 96% en 2012.
126. De surcroit, il est remarquable que les exportateurs soient parvenus à maintenir quasiment la
totalité de leur volume des importations même si MAGHREB STEEL a pratiquement arrêté l’achat des
LAC en quantités industrielles auprès des importateurs pour sa consommation en interne.
127. Il ressort ainsi desdites circonstances l’accomplissement en l’espèce de la première condition
au soutien de l’existence d’un dommage en application de l’article 3.1 de l’Accord Antidumping relatif
à l’examen objectif du volume des importations faisant l’objet d’un dumping.
128. En ce qui concerne l’évolution des importations par rapport à la production et à la
consommation nationales, les exportateurs et la Commission Européenne ont argumenté, dans leurs
commentaires, que le décroissement de la part des importations dans la consommation nationale
permet de démontrer que l’industrie nationale n’a pas subi le dommage allégué.55 Ils ont aussi remis
en question l’exclusion des ventes captives de l’analyse en question.56
129. En réponse au premier argument avancé, le MDCCE continue à être d’avis qu’une diminution
du volume des importations par rapport à la production nationale dans la part de marché est tout à
fait naturelle dans le contexte d’une analyse de retard, étant donné qu’auparavant le marché était
entièrement monopolisé par les importations.57
54
Cf. Benzyl Paraben from Japan USITC Publication Nº 2355, Inv. Nº 731-TA-462 (1991) (final) p.14: “We find the import
volumes to be significant despite their decline, noting that such a decline may be expected when a domestic producer
comes on-line and takes over a portion of the market share previously held by imports”. Voir aussi: Prakash Narayannan,
“Injury Investigations in Material Retardation Antidumping cases”, Northwestern Journal of International Law& Business,
Volume 25 Issue 1, 2004, page 45.
55
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 page 4.
Voir aussi : Soumission écrite de Tata Steel (page 9) suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014.
56
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 page 2.
Voir aussi : Soumission écrite de Tata Steel et de Steel Link suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre
2013, page 6.
57
Cf. Certain Dried Salted Codfish from Canada USITC Publication 1571Inv. Nº 731-TA-199 (1984) (preliminary) page 8 :
« Information on market penetration is of limited relevance in this investigation because we are looking at an allegation
of dumping not to establish a share of trade but to forestall the development of domestic competition in an importdominated market. For example, the market share held by Canadian imports has declined, though only slightly, and the
domestic producer’s share has increased”. Voir aussi: Fresh and Chilled Atlantic Salmon from Norway, USITC Publication
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Non confidentiel
130. Il est à noter aussi que la part de marché des importations dans la consommation nationale a
uniquement baissé de 0,83% entre 2010 et 2011 passant de 70,26% à 69,43% et ceci malgré l’arrivée
d’un nouveau concurrent qui n’existait pas auparavant.
131. Sur la période 2010-2012, même si la part des importations a baissé de 13%, elle s’est toujours
maintenue à des niveaux non-négligeables, dépassant encore la moitié du marché libre en 2012
(57,34%). Aussi, il convient de rappeler que la part de marché obtenue par MAGHREB STEEL en 2012
n’a été possible que grâce à des ventes à perte.
132. Concernant les ventes captives, le MDCCE estime que leur exclusion est parfaitement justifiée
dans la mesure où le marché concerné est caractérisé par une nette séparation entre le « marché
captif » et le « marché libre » et du fait que les ventes captives de MAGHREB STEEL ne sont pas en
concurrence directe avec les importations.
133. En effet, il ressort de l’examen des données fournies par l’industrie nationale que les ventes
captives n’entrent pas en concurrence avec les importations pour deux grandes raisons58. D’abord, le
producteur national transfert physiquement, sans le facturer, le laminé à chaud destiné au marché
captif. L’absence du prix dans les transactions internes indique que les ventes captives ne sont pas
commercialisées dans les mêmes conditions que dans le marché libre59. Ensuite, l’industrie en aval
n’effectue pratiquement aucun achat auprès de fournisseurs indépendants depuis que MAGHREB
STEEL peut produire par elle-même les tôles laminées à chaud.60
134. Par ailleurs, il convient de noter que puisque les importations en dumping ont été capables de
conserver la majorité du marché libre malgré l’entrée d’un nouvel concurrent national dans ce
marché, la première condition de l’article 13 de la loi 15-09 relative à l’examen objectif du volume
des importations est réputée être remplie.
5.2.2 EFFET
DES IMPORTATIONS EN DUMPING SUR LES PRIX DES TOLES D’ACIER LAMINEES A CHAUD FABRIQUEES
LOCALEMENT
135. En commentant le rapport préliminaire du MDCCE, ARCELOR MITTAL et TATA STEEL ont remis
en question la méthode de calcul de la sous cotation. 61
136. En ce qui concerne la méthodologie du calcul de la sous cotation des prix, le MDCCE a procédé
à comparer le prix de vente moyen pondéré, de l’année 2012, des tôles en acier laminées à chaud
objets de l’enquête importées par les importateurs ayant collaboré à l’enquête et de celles
fabriquées par MAGHREB STEEL.
2272, Inv. Nº 701-TA-302 et 731-TA-454 (1990) (preliminary) page 24: “ In both quantity and value terms, Norwegian
imports dropped from near 80 per cent of apparent domestic consumption in 1987 to near 60 percent in 1989. Falling
market penetration rates suggests a decrease in the preeminence of Norwegian imports in the U.S market. Nevertheless,
we find that the Norwegian market share –well over the half the U.S market, was significant throughout the period of
investigation”. Dans le même esprit: Benzyl Paraben from Japan USITC Publication Nº 2355, Inv. Nº 731-TA-462 (1991)
(final), page 14: “We find the import volumes to be significant despite their decline, noting that such decline may be
expected when a domestic producers comes on-line and takes over a portion of market share previously held by imports”.
58
Voir dans ce même sens la jurisprudence européenne instauré par l’arrêt de la Cour de Justice de l’UE du 27 du
novembre 1991 dans l’affaire C-315-90 Groupement des Industries des Matériels d'Equipement Electrique et de
l'Electronique Industrielle Associée (Gimelec) and others c. Commission Européenne [1991] ECR I-05589, paragraphe 23.
59
Voir dans ce même esprit : Décision nº 283/2000/CECA de la Commission, du 4 février 2000, instituant un droit
antidumping définitif sur les importations de certains produits laminés plats, en fer ou en aciers non alliés, d'une largeur
de 600 mm ou plus, non plaqués ni revêtus, enroulés, simplement laminés à chaud, originaires de Bulgarie, de l'Inde,
d'Afrique du Sud, de Taïwan et de la République fédérale de Yougoslavie, portant acceptation des engagements offerts
par certains producteurs-exportateurs et clôturant la procédure concernant les importations en provenance d'Iran, DO
2000 (L 31), paragraphe 43.
60
Voir dans ce sens le Règlement d'exécution (UE) n o 54/2010 du Conseil du 19 janvier 2010 instituant un droit
antidumping définitif sur les importations d'éthanolamines originaires des États-Unis d'Amérique DO 2010 (L 17)
paragraphe 56.
61
Cf. Soumission écrite Arcelor Mittal suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013, page 11.
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137. Le prix attribué aux tôles fabriquées par MAGHREB STEEL a été calculé à son tour sur la base du
coût de production majoré d’une marge de bénéfice raisonnable qui permet la viabilité de
l’industrie62. Ce prix est dit « prix cible de l’industrie nationale ».
138. Il convient de préciser que ces prix ont été considérés au stade « sortie usine » pour MAGHREB
STEEL et « sortie entrepôt » pour les importateurs.
139. En guise de réponse à la remise en question de cette méthodologie, le MDCCE rappelle qu’en
agissant de la sorte, il ne s’écarte pas de la pratique des institutions européenne pour calculer la
marge de sous cotation63.
140. En conséquence, le MDCCE considère que les importations de tôles laminées à chaud faisant
l’objet du dumping ont eu un effet non négligeable sur la sous cotation des prix de ventes de
l’industrie nationale.
5.2.3 EFFET DES IMPORTATIONS EN DUMPING SUR LA SITUATION DE LA BRANCHE DE PRODUCTION NATIONALE DES TOLES
D’ACIER LAMINEES A CHAUD
141. Dans le cadre d’une analyse de retard, l’évolution des indicateurs économiques n’est pas
toujours en mesure de montrer une image fidèle du dommage subi par la branche de l’industrie
nationale.
142. En effet, au démarrage d’une industrie, il est parfaitement normal que des indicateurs tels que
la production, le taux d’utilisation des capacités ou le niveau des ventes présentent une évolution
positive du fait de l’installation progressive de la nouvelle branche de production nationale.
143. Pour cette raison et au vu du manque d’informations historiques, dans les cas du retard, les
autorités américaines ont plutôt examiné dans leurs rapports si la situation de l’industrie répondait
uniquement aux complications normales dans un contexte de démarrage ou si au contraire,
l’industrie se retrouvait dans une situation pire que celle qui aurait été logiquement prévisible.64
62
Cf. Règlement (CEE) n° 920/93 de la Commission, du 15 avril 1993, instituant un droit antidumping provisoire sur les
importations de certains disques magnétiques (microdisques de 3,5 pouces) originaires du Japon, de Taiwan et de la
République populaire de Chine (paragraphe 82) : « Pour calculer l'augmentation de prix nécessaire, la Commission a
estimé que les prix réels de ces importations devaient être comparés aux prix de vente qui reflètent les coûts de production
des producteurs communautaires plaignants, augmentés d'un montant bénéficiaire raisonnable. À cette fin, la
Commission a utilisé les coûts de production des deux producteurs plaignants dont le volume de production est le plus
élevé et dont le taux d'utilisation des capacités est supérieur au taux moyen de la production communautaire. Quant au
montant bénéficiaire, il a été tenu compte du fait que la production de la Communauté, se trouvant à un stade précoce de
développement, ne pouvait pas s'attendre à atteindre des niveaux bénéficiaires comparables à ceux réalisés par des
producteurs déjà bien établis dans les pays tiers concernés. Dans ces conditions, la Commission a estimé qu'une marge
bénéficiaire de 10 % sur le chiffre d'affaires était de nature à fournir le montant minimal de bénéfice requis pour assurer la
viabilité de la production de la Communauté. La moyenne pondérée des prix de vente réels pratiqués pendant la période
d'enquête par la production de la Communauté a été augmentée pour chaque type de produit, le cas échéant, afin
d'atteindre le montant minimal global de bénéfice requis. Les prix ainsi établis ont été comparés avec les prix des
importations faisant l'objet d'un dumping utilisés pour établir l'écart de prix »
63
Cf. Règlement (CEE) no 1877/85 du Conseil du 4 juillet 1985 instituant un droit antidumping définitif sur les
importations de certains excavateurs hydrauliques originaires du Japon, DO 1985 (L 176) paragraphe 17. Cette pratique a
été confirmé par la Cour de Justice dans son Arrêt du 5 octobre 1988 dans les affaires jointes 273/85 et 107/86 Silver
Seiko Ltd et autres c. Conseil [1988] ECR 5927 (paragraphes 41 et 42).
64
Cf. Certain Copier Toner from Japan, USITC Publication 1960Inv. Nº 731-TA-373 (1987) (preliminary), page 10: “In
examining the question of material retardation, the Commission determines whether the performance of the industry
reflects merely the normal “start-up” operations of a company entering in an admittedly difficult market or whether the
performance is worse than what could be reasonably expected and is therefore evidence of material retardation”. Voir
dans ce sens aussi : Certain Dried Salted Codfish from Canada USITC Publication 1571, Inv. Nº 731-TA-199 (1984)
(preliminary) page 8: “ The data thus far adduced in this investigation are sufficient to indicate that Codfish Corportation’s
performance is substantially below that which would be expected under normal conditions”.
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144. Dans l’objectif de connaître le niveau qui aurait été logiquement réalisable, les autorités
internationales - y compris celles européennes - ont comparé les indicateurs de performance de
l’industrie nationale avec les chiffres proposés par les études de faisabilité élaborées à l’origine du
projet, avant le début de la production.65
145. Sur ce référentiel, le MDCCE a lui aussi choisi de prendre en considération dans son analyse le
rapport de préfaisabilité rédigé par MCLELLAN en 2006 et le Business plan élaboré par la propre
industrie nationale en 2008.
146. Cependant, suite à la publication du rapport préliminaire ainsi qu’au cours de l’audition
publique, les exportateurs et la Commission Européenne ont contesté l’usage de ces deux documents
eu égard aux circonstances du marché qui se sont succédées.66
147. A cet égard, le MDCCE juge disproportionné d’écarter ces documents, pièces maîtresses, de
l’enquête. En effet, il s’avère qu’une analyse approfondie de ces documents permet d’en tirer
certains constats valables à la lumière des circonstances actuelles.
148. Aussi, afin d’analyser la faisabilité de l’installation d’une nouvelle industrie de laminé à chaud
au Maroc le rapport MCLELLAN avait construit trois scénarios de sensibilité, scénarios permettant de
mesurer les réponses du projet aux diverses évolutions hypothétiques du marché.
149. Plus précisément, le rapport MCLELLAN a établi, en se servant de différentes fourchettes, un
scenario de base, un scénario plus optimiste et un scenario plus pessimiste que celui de base. Ceci
permet d’évaluer les effets des variations possibles du prix du LAC, des écarts entre le coût des
brames et du LAC, du changement de volume de ventes et des modifications des dépenses et
d’équipement.
150. En ce qui concerne le prix du LAC, le rapport MCLELLAN prévoyait que celui-ci se serait situé
entre 450 et 550 USD la tonne dans les prochaines années. Il s’est avéré que ces prévisions étaient
fiables car le prix du LAC a fluctué en moyenne autour de 573 USD la tonne entre 2010 et 2012.67
151. Ensuite, le rapport MCLELLAN situait l’écart mondial brame/LAC dans un cas de base dans les
alentours de 80 USD/tonne (hors fret) avec des écarts possibles entre 64 USD/tonne et 96 USD/tonne
en fonction des scenarios. Les écarts du prix de la brame et LAC entre 2010 et 2012 se sont
effectivement maintenus entre ces marges.
152. Pour les prix des matières premières, le rapport MCLELLAN prévoyait déjà une tendance à la
hausse, qui affecterait tant le cours de la ferraille comme celui de la brame. Il y était indiqué aussi
que ces prix resteraient à des niveaux beaucoup plus élevés que les prix historiques.
65
Cf. Certain Dried Salted Codfish from Canada USITC Publication 1771, Inv. Nº 731-TA-199 (1985) (final) page 6: “The
difficulty is determining what level of performance could reasonably be expected. The market and feasibility studies
prepared by the petitioner and [the independent institution] at the inception of its business operations provide a
benchmark of expected performance against which to measure the actual performance of petitioner”. Voir dans ce sens
Règlement (CEE) n° 165/90 de la Commission du 23 janvier 1990 instituant un droit antidumping provisoire sur les
importations de certains types de microstructures électroniques dites "DRAM" (dynamic random access memories)
originaires du Japon, portant acceptation d'engagements offerts par certains exportateurs dans le cadre de la procédure
antidumping concernant les importations de ces produits et portant clôture de l'enquête en ce qui concerne les
exportateurs en cause DO 1990 L 20. Cette même pratique a également été suivie au Venezuela où la législation nationale
attache une grande importance à l’analyse des études de faisabilité, voir: Art. 53, Regulations on Unfair International
Trade Practices, Decreto 2.883 of 5 April 1993 in Gaceta Oficial of the Republic of Venezuela, No. 4.567 Extraordinary (26
of April 1993).
66
Cf. Soumission écrite d’Arcelor Mittal suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 (page 7). Voir aussi
Soumission écrite de la Commission Européenne (page 3) et Tata Steel (page 7) suite à l’audition publique tenue à Rabat
le 4 février 2014.
67
Cf. Mise à jour relative à l’exercice 2012 du dossier d’information, programme d’émission de billets de trésorerie, page
47.
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153. De même, le rapport MCLELLAN ne s’est non plus trompé en ce qui concerne les proportions
des quantités destinées au marché libre et à la consommation interne, ces proportions restant dans
les alentours de 50-50.
154. Ceci-dit, le MDCCE fait noter qu’une série d’hypothèses du Business Plan de 2008 se sont
avérées imprécises. Pour cela il est nécessaire de les analyser à la lumière de ce qui s’est réellement
passé.
155. Tout d’abord, le business plan prévoyait une augmentation de la consommation nationale de
10% par année et un tel niveau n’a pas été atteint. Cependant, il convient de rappeler que la
consommation nationale s’est effectivement accrue, avec une augmentation du 6,3% entre 2010 et
2012 en net contraste avec ce qui s’est passé en Europe. L’évolution de la consommation nationale
de LAC a été plus élevée en atteignant une croissance totale de 10% entre 2010 et 2012.
156. En deuxième lieu, l’évolution des ventes de produits en aval n’a pas augmenté de 10% tel que
le prévoyait le Business Plan. Cependant, il est remarquable que le décroissement du niveau des
ventes de produits en aval n’ait pas entraîné un ralentissement de la consommation en interne de
produits laminés à chaud, qui s’est maintenue à des niveaux très solides pendant la période.
157. En ce qui concerne le prix de la brame, le Business Plan avait anticipé qu’il pourrait se situer aux
alentours de 440 USD/tonne. Or, le prix de la brame a atteint les 550 USD/tonne en moyenne
pendant la période sous-enquête. Néanmoins cette inexactitude n’a pas pu avoir eu un effet
significatif, car MAGHREB STEEL a rapidement diminué ses achats de brames au fur et à mesure de la
mise en fonction de son aciérie électrique en 2012.
158. A la lumière des éléments ci-dessus, le MDCCE estime opportun de prendre le Business plan et
le rapport MCLELLAN comme des références valables afin de juger si les écarts entre les réalisations
et les prévisions sont raisonnables ou si au contraire ils sont démesurés.
La production nationale :
159. Les exportateurs ainsi que la Commission Européenne mettent en exergue l’augmentation de la
production nationale de tôles laminées à chaud, présentée dans le rapport préliminaire68, afin
d’essayer de démontrer l’absence de dommage.69
160. Or, étant donné le caractère spécifique de l’examen du retard, il convient de rappeler qu’une
augmentation de la production dans l’absolu n’est pas, en soi, à même de démontrer l’absence d’un
dommage pour l’entreprise.
161. En effet, dans les hypothèses de retard matériel, le test opportun permettant de déterminer
l’existence d’un dommage consiste à comparer les résultats de production réels avec ceux qui
auraient pu raisonnablement être obtenus en l’absence d’importations en dumping.
162. Dans l’espèce, les écarts subis durant cet intervalle (à savoir -61%, -39% et -58% pour 2010,
2011 et 2012 respectivement)70 semblent démesurés à l’égard des évolutions du marché marocain
qui a augmenté de l’ordre de 6.3% entre 2010 et 2012.
Taux d’utilisation des capacités de production :
163. Dans le Rapport préliminaire, le MDCCE avait conclu que les écarts entre les prévisions et les
réalisations en termes de taux d’utilisation des capacités était bien pires que ceux auxquels on
pouvait raisonnablement s’attendre.71
68
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 134-136.
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 page 5. Voir aussi :
Soumission écrite d’Arcelor Mittal (page 11) et de Tata Steel (page 9) suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014
70
Cf. Rapport préliminaire, paragraphe 134, tableau n°7.
71
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 139-143.
69
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164. Les exportateurs prétendent voir dans cette différence une preuve positive du
surdimensionnement de l’usine par rapport à la taille du marché national.72
165. Le MDCCE est cependant d’avis que le développement d’une industrie nationale comme celle
de la sidérurgie est un projet à long terme. Il convient de noter que le Business plan prévoyait une
augmentation progressive du taux d’utilisation des capacités commençant par 40% et atteignant un
53% en 2012. Uniquement la moitié de ce volume de production était destinée au marché libre. De
cette moitié prévue pour le marché libre il faut encore soustraire la partie destinée à l’exportation.
166. En outre, le MDCCE souligne que les exportateurs n’ont pas présenté des preuves des surcoûts
éventuels qui auraient pu être évités avec un investissement proportionnellement inférieur. Aussi, il
convient de rappeler que certains investissements similaires ont eu lieu dans les pays voisins au vu de
l’augmentation constante de la consommation dans la région.
167. Par ailleurs, le MDCCE souligne que l’évolution des taux d’utilisation des capacités de
production n’a jamais atteint les 20% pour la totalité des produits. En ce qui concerne l’utilisation du
taux de production du LAC, il convient de remarquer qu’elle a connu une forte baisse en passant de
41% en 2011 à 31% en 2012, revenant ainsi au niveau de la première année de production (30%).
Cette baisse n’est pas logique eu égard à l’évolution de la demande nationale qui s’est maintenue
stable pour le LAC entre 2011 et 2012 et qui a augmenté pour la totalité de la période 2010-2012 de
10%.
168. Aussi, il est à prendre en compte que MAGHREB STEEL n’a pu débuter sa production de TF
qu’en mai 2012 c’est-à-dire presque un an et demi plus tard que prévu. Cette production a été lancée
à des niveaux très faibles (9%).
Volume des ventes :
169. Le rapport préliminaire indiquait que le niveau des ventes a augmenté entre 2010 et 2012. Les
exportateurs ont vu dans cette augmentation une preuve que MAGHREB STEEL n’a pas subi le
dommage allégué.73
170. Cependant, comme il a déjà été avancé, dans les cas de retard important comme celui dans
l’espèce, il convient de comparer les prévisions avec les réalisations pour déterminer si ces dernières
ont atteint un niveau raisonnable. Or, il ressort de ce rapprochement que les réalisations se sont
maintenues nettement en-dessous des prévisions, en enregistrant des écarts allant jusqu’à -74%,
-71%, - 67% pour les années 2010, 2011 et 2012 respectivement.
171. Il est à préciser que la quasi-totalité des ventes de 2012 été faite à perte (99%).
172. En conséquence, le MDCCE estime que, d’un côté, MAGHREB STEEL n’a pas atteint un niveau de
ventes raisonnable eu égard aux conditions de marché qui ont eu lieu, et que, d’autre côté, le peu de
volume qu’elle a réussi à vendre a été vendu à perte.
Parts de marché :
173. Dans son rapport préliminaire, le MDCCE, sur la base des données dont il disposait, a évoqué
que les écarts entre les prévisions des parts de marché et les parts de marché réelles étaient
importants.
174. Les exportateurs ont fait valoir dans leurs commentaires que l’acquisition de parts de marché
considérables par MAGHREB STEEL sert à démontrer que ladite industrie n’a pas subi de dommage.
72
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 page 6. Voir aussi :
Soumission écrite d’Arcelor Mittal (page 11) et de Tata Steel (page 10) suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014.
73
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 page 6. Voir aussi :
Soumission écrite d’Arcelor Mittal (page 11) et Tata Steel (page 10) suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014.
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Non confidentiel
175. Cependant, le MDCCE rappelle que l’augmentation de la part du marché n’est pas un facteur
permettant en soi d’indiquer la situation réelle subie par MAGHREB STEEL, sachant que la quasitotalité des ventes effectuées par MAGHREB STEEL a été faite à perte.
Emploi :
176. Conformément à ce qui avait été avancé dans le rapport préliminaire, les effectifs employés
dans la fabrication et la vente du produit objet de l’enquête ont augmenté tout au long de la période
concernée.74
177. Vu cette augmentation, les exportateurs ainsi que la Commission Européenne ont contesté que
MAGHREB STEEL ait subi un dommage.75
178. Cependant, il convient de souligner qu’en 2012, MAGHREB STEEL a annoncé le licenciement
massif de plus de 300 travailleurs, un licenciement qui s’est effectivement produit en 2013. Ceci met
de nouveau en exergue le préjudice subi sous forme de retard important dans l’établissement d’une
nouvelle branche de la production nationale.
Stocks :
179. En se référant aux données fournies par MAGHREB STEEL, le rapport préliminaire a évoqué que
le stock cumulé de LAC était significatif depuis la première année de production.76
180. Or, la Commission Européenne a signalé, dans ses commentaires, que les stocks sont restés
stables tout au long de la période.77
181. Le MDCCE remet en cause cette affirmation car les données dont il disposait montrent que le
volume de stocks a fortement augmenté en 2011, la seule année pendant laquelle MAGHREB STEEL a
été capable d’augmenter dans une certaine mesure son taux d’utilisation des capacités.
182. Concernant l’année 2012, le MDCCE souligne que la politique de déstockage menée par
MAGHREB STEEL n’a pas eu le résultat escompté. Ainsi, la réduction du volume de la production de
près de ……… tonnes n’a pas gardé la proportion avec la réduction du volume de stock qui est resté
aux niveaux de 2010 (……… tonnes pour le LAC) et qui dépasse de 36% les estimations du Business
Plan. Le volume de stocks de TF cumulé depuis le début de la production est également remarquable.
183. Le MDCCE conclut que le volume de stocks témoigne du dommage subi sous forme de retard à
la nouvelle branche de l’industrie nationale.
Rentabilité :
184. Le rapport préliminaire avait conclu que le niveau de rentabilité était manifestement inférieur à
celui qui aurait raisonnablement dû être obtenu dans des conditions normales de marché. 78
185. Les exportateurs avaient vu dans la baisse de la rentabilité une preuve de la structure
défaillante de MAGHREB STEEL, prétendument due aux coûts de la matière première.79
186. En réponse à cela, le MDCCE fait remarquer que MAGHREB STEEL souffre de deux problèmes
majeurs qui participent grandement dans la baisse de la rentabilité de son activité, à savoir, le prix de
vente unitaire bas et les coûts fixes élevés.
74
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 150-152.
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 page 6. Voir aussi :
Soumission écrite d’Arcelor Mittal (page 11) et de Tata Steel (page 10) suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014.
76
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 153-156.
77
Cf. Soumission écrite de la Commission Européenne suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014 page 6.
78
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 157-159.
79
Cf. Soumission écrite de Tata Steel suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013, pages 21 et 25. Voir aussi :
Soumission écrite de la Commission Européenne (page 5) et d’Arcelor Mittal (page 12) suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4
février 2014.
75
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Non confidentiel
187. En ce qui concerne le prix de vente, le MDCCE rappelle que MAGHREB STEEL est l’unique
producteur des tôles laminées à chaud au Maroc, et que par conséquence les prix qu’il pratique
tiennent compte des prix offerts par les exportateurs. C’est pour cela que MAGHREB STEEL s’est vu
contrainte de réduire son prix de vente unitaire en-dessous de ses coûts de production.
188. En ce qui concerne la structure de coûts de MAGHREB STEEL, le MDCCE constate que
contrairement à ce qui avait été avancé par les exportateurs, le prix de la matière première a été plus
bas en 2012 qu’en 2011. Ainsi, la baisse de la rentabilité de MAGHREB STEEL est plutôt liée à
l’augmentation des coûts fixes, laquelle trouve principalement sa cause dans la faible utilisation des
capacités.
189. En somme, le MDCCE considère que le faible niveau de rentabilité de MAGHREB STEEL est
manifestement inférieur à celui qui aurait raisonnablement dû être obtenu dans des conditions
normales de marché. En plus, le niveau fragile de rentabilité met en péril la viabilité de l’ensemble de
l’activité de MAGHREB STEEL.
5.2 CONCLUSION SUR LA DETERMINATION DE L’EXISTENCE D’UN DOMMAGE IMPORTANT
190. Compte tenu de ce qui précède, le MDCCE considère que les allégations et arguments ci-dessus
ne sont pas de nature à modifier les conclusions du rapport préliminaire concernant le dommage. En
conséquence, le contenu des paragraphes 162 et 163 dudit rapport et la conclusion, selon laquelle
l’industrie nationale a subi un dommage important sous forme de retard important dans la création
de branche de production nationale, sont confirmés.
6. DETERMINATION DE L’EXISTENCE D’UN LIEN DE CAUSALITE ENTRE LES IMPORTATIONS EN DUMPING ET LE DOMMAGE
6.1 EFFET DES IMPORTATIONS EN DUMPING
191. Certes que l’enquête a montré que le volume des importations en dumping a baissé entre 2010
et 2012. Cependant, les importations en dumping occupent une part importante dans la
consommation nationale.
192. En effet, la part des importations en dumping dans la consommation nationale est restée non
négligeable, en dépassant même la moitié du marché national alors qu’elle aurait normalement dû
considérablement baisser suite à la mise en service de la ligne de laminage à chaud de bobines par le
producteur national MAGHREB STEEL.
193. En plus, la part de ces importations en dumping dans le total des importations de tôles d’acier
laminées à chaud est restée à des niveaux très élevés en passant de 56% en 2010 à 96% en 2012.
194. Du fait que l’entreprise a été dans l’incapacité d’écouler sa production sur son marché local,
elle s’est vue contrainte de réduire sa production ainsi que le niveau de ses prix en dessous de ses
coûts de production, remettant ainsi en cause la stabilité et le développement de sa nouvelle activité.
6.2 EFFET DES IMPORTATIONS EN PROVENANCE DE PAYS TIERS
195. Sur base des statistiques de l’Office des Changes dont dispose le MDCCE, la part des importations
en provenance des pays tiers a beaucoup baissé entre 2010 et 2012.
196. De manière parallèle, la partie de ces importations provenant de pays tiers a baissé par rapport
au total des importations passant de 44% à 4% en 2012.
197. A partir de ces constats, le MDCCE estime inapproprié d’imputer le dommage subi par la branche
de production nationale aux importations en provenance de pays tiers.
6.3 CONTRACTION DE LA DEMANDE
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198. Comme indiqué dans le rapport préliminaire, le MDCCE n’a pas trouvé une corrélation entre
l’évolution de la demande nationale et le dommage subi par MAGHREB STEEL.80
199. Les exportateurs avaient attribué le préjudice subi par MAGHREB STEEL au fait que, selon eux,
la demande n’aurait pas évolué selon les prévisions de MAGHREB STEEL, empêchant ainsi
l’accomplissement des objectifs qu’elle avait prévus.
200. Or, même si la demande n’a pas augmenté dans la mesure espérée par MAGHREB STEEL, son
évolution est restée positive.
201. Dans ce sens, il convient de rappeler que la consommation nationale pour l’ensemble des
produits a augmenté de 6,3% entre 2010 et 2011.
202. Cette évolution a été davantage positive pour la demande de LAC qui a augmenté de 10% entre
2010 et 2012. La diminution de la demande de 1,1% entre 2011 et 2012 et pratiquement négligeable
et ne permet pas d’expliquer les mauvaises performances de MAGHREB STEEL en 2012.
203. En ce qui concerne la consommation nationale de TF, l’évolution de la demande entre 2010 et
2012 n’a pas pu affecter les performances de l’entreprise, vu que MAGHREB STEEL n’a débuté la
production de TF qu’en mai 2012.
204. En conséquence, l’évolution de la consommation nationale n’est pas à la base du préjudice subi
par MAGHREB STEEL.
6.4 EFFET DES EVOLUTIONS TECHNIQUES
205. Tel qu’il a été signalé dans le rapport préliminaire, MAGHREB STEEL s’est doté d’une aciérie
électrique et de deux laminoirs à chaud de référence reconnus et installés par SMS, un des leaders
mondiaux du secteur sidérurgique81. Dans ce sens, le rapport préliminaire a signalé que les produits
de MAGHREB STEEL sont conformes aux standards internationaux.
206. De leur côté, les exportateurs ont contesté à plusieurs reprises la qualité des produits et des
procédés de production de MAGHREB STEEL. De même qu’ils ont mis en avant les difficultés
rencontrées par MAGHREB STEEL pour vendre ses produits en Europe.82 Les exportateurs ont
également signalé que les produits fabriqués dans des aciéries électriques offrent un niveau de
qualité inférieur à celui qui s’obtient en utilisant les hauts fourneaux.
207. Cependant il faut souligner que MAGHREB STEEL a été capable de vendre ses produits dans
différents marchés internationaux y compris en Europe. Ainsi, il est à remarquer que 17% des ventes
à l’exportation en 2012 étaient destinées au marché européen. Cela s’est produit en dépit du fait que
la demande européenne connaît une stagnation depuis quelques années et du fait que la stratégie
d’exportation de MAGHREB STEEL s’oriente vers le marché régional nord-africain plutôt que vers le
marché européen.
208. Par rapport aux prétendues différences de qualité entre les hauts fourneaux et les aciéries
électriques, le MDCCE rappelle que Commission Européenne a fait promotion des aciéries électriques
dans son dernier « Plan d’action pour une industrie sidérurgique compétitive et durable en Europe »83.
Ces déclarations de la Commission européenne permettent de contester l’existence de différences
significatives de qualité entre les différents modes de production.
209. Il en découle que le MDCCE juge approprié d’écarter l’éventualité où le dommage subi par
MAGHREB STEEL découlerait de l’évolution technique.
80
81
82
83
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 175-177.
Cf. Rapport préliminaire, paragraphes 181-182.
Cf. Soumission écrite de Tata Steel suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013, page 26
Cf. http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/metals-minerals/files/steel-action-plan_fr.pdf
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Non confidentiel
6.5 EFFET DES RESULTATS A L’EXPORTATION DE L’INDUSTRIE NATIONALE
210. Comme indiqué dans le rapport préliminaire84, les flux à l’exportation du produit concerné ont
connu une tendance à la hausse supérieure aux prévisions contenues dans le Business Plan et le
Rapport MCLELLAN.85
211. Les exportateurs ont avancé dans leurs commentaires que les performances à l’exportation
avaient été à la base du dommage subi.86
212. En outre, les exportateurs avaient aussi demandé au MDCCE de différencier les performances à
l’exportation par produit.
213. Contrairement à ce qui a été argumenté par les exportateurs, le MDCCE constate que les
performances de MAGHREB STEEL à l’exportation pour le LAC ont été très positives. Or ceci n’a pas
été le cas des performances dans le marché local.
214. En ce qui concerne les performances à l’exportation du TF, le MDCCE soutient que les écarts
négatifs entre les réalisations et les prévisions sont principalement dus au faible niveau de production
du TF, lequel n’a débuté qu’en mai 2012. De surcroît, étant donné que le TF représente une quantité
comparativement inférieure à celle du LAC dans l’ensemble des exportations, ses
contreperformances n’ont pas pu entraîner un préjudice dans les performances globales de
MAGHREB STEEL.
215. Du fait que les performances à l’exportation ont été mieux que prévu, le MDCCE a jugé
inapproprié d’imputer le dommage subi par MAGHREB STEEL à ses résultats à l’exportation. Au
contraire, le MDCCE estime que ces résultats à l’exportation viennent plutôt soutenir l’existence du
dommage subi par l’industrie nationale dans le marché local.
6.6 EFFET DES AUTRES FACTEURS QU’UNE PARTIE POURRAIT EVOQUER
216. Afin de remettre en cause le lien de causalité entre le dommage subi par la branche de
production nationale et les importations en dumping, la plupart des commentaires reçus par le
MDCCE font référence à l’augmentation du prix de la matière première et au déclin des ventes des
produits en aval.87
217. À cet égard, ARCELOR MITTAL a fait valoir que la montée des prix de la ferraille aurait
fortement affecté les aciéries électriques. Dans ce sens, TATA STEEL a indiqué que ce sont les coûts
élevés de la ferraille qui auraient poussé MAGHREB STEEL à importer des brames au lieu de les
produire elle-même.
218. Cependant, les exportateurs oublient que l’aciérie électrique de MAGHREB STEEL n’a pas été
mise en fonctionnement qu’en 2012. C’est pour cette raison que MAGHREB STEEL s’est vue obligée
d’importer des brames en grandes quantités pendant 2011 et 2012.
219. Par ailleurs, le fait que MAGHREB STEEL ait acheté de la ferraille en 2012 ne semble pas être à
la base de sa faible rentabilité pour l’année.
220. De plus, l’augmentation des coûts des matières premières par rapport au niveau précédent a
affecté l’ensemble de l’industrie sidérurgique mondiale, le MDCCE est d’avis que les effets subis par
MAGHREB STEEL n’auraient pas été beaucoup moins importants en l’absence des importations en
dumping.
84
85
86
87
Cf. Rapport préliminaire, tableau n° 9 et paragraphes 146-147 et 184-185.
Cf. Rapport MCLELLAN, page 7-10.
Cf. Soumission écrite de Tata Steel suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013, page 20
Cf. Soumission écrite d’Arcelor Mittal (pages 7-8) suite à l’audition publique tenue à Rabat le 4 février 2014, voir aussi : Soumission
écrite de Tata Steel suite à la publication du Rapport préliminaire le 30 octobre 2013, pages 21-22-23
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221. En ce qui concerne le déclin du chiffre de ventes de ses produits en aval, le MDCCE constate
que la marge d’exploitation pour ces activités est restée positive malgré la dégradation du chiffre
d’affaires.
222. Même si les ventes des produits historiques ont baissé, il n’est pas possible d’attribuer le
dommage subi par la production de laminé à chaud aux performances des produits en aval. Au
contraire, ce sont ces derniers qui compensent en partie les pertes du laminé à chaud. En plus, le
décroissement du niveau des ventes de produits en aval n’a pas entraîné un ralentissement de la
consommation en interne de produits laminés à chaud.
6.7 CONCLUSION SUR L’EXISTENCE D’UN LIEN DE CAUSALITE
223. L’analyse ci-dessus a mis en exergue une distinction entre, d’une part, les effets de tous les
facteurs connus sur la situation de la branche de production nationale et, d’autre part, les effets
préjudiciables des importations en dumping qui ont été analysés de manière séparée.
224. Aussi, les facteurs connus autres que les importations en dumping ont été évalués
conformément à l’article 14 de la loi 15-09. Même en étudiant les effets combinés de ces facteurs, le
MDCCE conclu qu’ils ne peuvent pas être considérés comme cause principale du dommage subi par
MAGHREB STEEL.
225. Le MDCCE estime donc que l’existence d’un lien de causalité entre les importations en dumping
et le dommage subi par l’industrie nationale est clairement avérée.
226. Ainsi, compte tenu de ce qui précède, la conclusion, selon laquelle les importations en dumping
originaires de l’Union Européenne et de la Turquie ont causé un dommage prenant la forme de retard
important dans la création de la branche de production nationale, établie dans le rapport
préliminaire, est confirmée.
7. CONCLUSION GENERALE ET RECOMMANDATION
227. Au terme de ce rapport, le MDCCE statue, à titre définitif, que les conclusions établies ci-dessus
permettent de déterminer l’existence (1) de dumping exercé par les exportations vers le Maroc de
tôles d’acier laminées à chaud originaires de l’Union européenne et de la Turquie, (2) de dommage
important matérialisé par le retard dans la création d’une branche de production nationale et (3) du
lien de causalité entre les importations en dumping et le dommage.
228. Par conséquent, le MDCCE considère, à titre définitif, que les conditions d’application d’une
mesure antidumping sont réunies et recommande l’application, pour une durée de 5 ans, des droits
antidumping définitifs comme présentés dans le tableau qui suit :
Tableau n° 03 : Droits antidumping définitifs par exportateur
Exportateur
ARCELOR MITTAL
TATA STEEL
STEEL LINK
Autres exportateurs
COLAKOGLU METALURJI
ERDEMIR GROUP/ISDEMIR
Autres exportateurs
Origine
Union Européenne
Union Européenne
Union Européenne
Union européenne
Turquie
Turquie
Turquie
Marge antidumping définitive
11.06%
22.11%
22.11%
22.11%
11%
11%
11%
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